• L’Algérie de juillet 1962 à juillet 2013, toujours à la recherche de son destin

     

    Les enquêtes des sociologues, psychologues et psychiatres montrent clairement que le refoulement d’une population sur plusieurs décennies produit une névrose collective source de démobilisation. L’objectif est le discours de vérité loin de toute propagande populiste qui n’a jamais permis un véritable développement, devant tenir compte de ce monde interdépendant en perpétuel mouvement et des profondes mutations internes propres à chaque pays. C’est dans ce cadre que rentre le fondement de cette analyse qui rejoint celle des grands philosophes, notamment Friedrich Von Schiller pour qui « on ne trouvera la totalité de caractère que chez le peuple qui sera capable et digne de transformer l’Etat de nécessité en Etat de liberté » et d’Aristote et Ibn Khaldoun pour qui « toute personnalité immorale ne peut prétendre parler ou agir au nom de la Cité ». Aussi, est- il fondamental pour l’avenir du pays de se poser cette question : quelle est la situation de l’Algérie entre juillet 1962 et juillet 2013 C’est l’objet de cette modeste contribution. 

    L’Algérie de juillet 1962 à juillet 2013, toujours à la recherche de son destin   1.-Remémorons nous ensemble, en ce mois de juillet 2013, les promesses des dirigeants politiques algériens qui ont présidé aux destinées du pays au nom de la légitimité historique encore quand certains évoquent récemment pour ceux qui veulent bien les entendre, la fin de l’Etat de la mamelle, puis celle de la légitimité révolutionnaire. Cela signifie surtout que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisances inaugurées comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l’échange d’une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. C’est la norme du droit qui reprend sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté. Souvenons-nous de la domination idéologique du communisme, l’hymne à la liberté chantée en I962 dans les rues de l’ensemble de l’Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l’algérienne, l’autogestion des domaines des colons qui devait élever la production, restituer les paysans dans leur dignité, lutter contre l’injustice sociale, mais aussi les luttes de pouvoir entre l’Intérieur et l’Extérieur des différents clans. Le 19 juin I965, le Président élu auparavant est destitué et c’est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l’Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser, grâce à un pouvoir fort qui résiste aux évènements et aux hommes, à travers trois axes, la révolution industrielle, la révolution agraire, et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d’Etat, comme fer de relance de l’économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales. Ceux sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l’indépendance alimentaire, de l’école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons horizon 1980 ,le Japon de l’Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969,du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977 .Le système d’information , socio-éducatif participaient à ces slogans idéologiques, comme façonnement des comportements. Rappelons-nous ces discours de la vertu des fameuses industries industrialisantes et au niveau international l’Algérie leader du nouvel ordre économique international sans sa lutte contre l’impérialisme cause fondamentale du développement du sous-développement. 

    2.-Et voilà qu’après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis, et la venue d’un nouveau président , qu’en 1980 , nous apprenons que cette expérience a échoué et que la période passée était une décennie rouge avec l’époque de la Cour des Comptes et du procès de la Révolution agraire .Les nombreuses commissions dont les résultats sont jetés dans les tiroirs après des exploitations politiques contribueront à ces dénonciations .Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole , du cours du pétrole , les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l’importation de biens de consommation finale avec le programme anti-pénurie avec la construction sur tout le territoire national des souk fellahs. L’Algérie ne connaît pas de crise économique selon les propos télévisés un d’ex Premier Ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril en termes de parité de pouvoir d’achat 2007, équivalent à 70/80 dollars. C’est alors l’application mécanique des théories de l’organisation, car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l’espace, et l’on pratique le découpage de ces sociétés nationales. Mais la population algérienne contemple en 1986, l’effondrement du cours du pétrole les listes d’attente et l’interminable pénurie : et c’est toujours la faute de l’extérieur, de cet impérialisme, ce chat noir dans un tunnel sombre que l’on ne voit pas. Et voilà que nous avons un autre discours : les algériens font trop d’enfants, ne travaillent pas assez, aux premières ébauches de l’autonomie des entreprises publiques avec la restructuration organique. L’on fait appel à la solidarité de l’émigration que l’on avait oubliée. IL s’ensuit l’effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est fonction du cours du dollar et du baril de pétrole et non au travail et à l’intelligence seules sources permanentes de la richesse. On loue alors les vertus du travail, de la terre, l’on dénonce les méfaits de l’urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne, et l’on redécouvre les vieux débats entre partisan de l’industrie lourde qui serait néfaste et les bienfaits de l’industrie légère et la priorité à l’agriculture dont on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et comme par enchantement c’est le slogan de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut et au moment qu’il faut. 

    3.-Octobre I988 contredit ces discours populistes, et c’est le début timide d’une presse libre et d’un multipartisme que l’on tente de maîtriser par l’éclosion de Partis (une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l’Etat) avec la naissance d’une nouvelle constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l’indépendance en consacrant l’existence du multipartisme, conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste. Elle était cependant porteuse d’une vision hybride de la société, dans la mesure où des catégories et des éléments de son discours renvoyaient à des options politico-économiques et politico-idéologiques contradictoires. Sur le plan économique, entre I989-I99O c’est l’application des réformes avec l’autonomie de la banque centrale, la tendance à la convertibilité du dinar, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l’autonomie des entreprises et l’appel, très timidement, à l’investissement privé national et international sous le slogan secteur privé facteur complémentaire du secteur d’ Etat, après le socialisme spécifique, de l’économie de marché spécifique à l’algérienne avec la dominance du secteur d’Etat soumis à la gestion privée, en oubliant que l’économie de marché concurrentielle a ses propres règles à savoir une véritable démocratisation économique, politique et sociale, une autonomie dans la gestion des entreprises avec la dominance du secteur privé national ou international. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent qui couvait déjà puisque un ex chef de gouvernement qui agissait dans le cadre de la Constitution de 1976, amendée rappelons-nous en 1989, s’est opposé au Chef de l’Etat refusant de démissionner en invoquant la responsabilité politique de son gouvernement devant la seule Assemblée nationale, qui était au mains du FLN dont le président n’était autre que le même Président, crise accélérée par des élections législatives , coordonnées par un nouveau chef de gouvernement issu des hydrocarbures des émeutes dont l’aboutissement sera la démission de ce Président après plus d’une décennie de pouvoir . Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980/1990. Et c’est la liste interminable de chefs de gouvernement et de ministres, changement successif du à la profonde crise qui secoue le pays. C’est la naissance du Haut Comité d’Etat (HCE), la venue d’un historique et figure charismatique qui donnera une première lueur d’espoir, présidera à peine une année le HCE avant d’être assassiné, son remplacement par un autre membre du HCE, avec parallèlement, un Conseil Consultatif faisant œuvre de parlement désigné. L’on rappellera comme chef de gouvernement le père de l’industrie lourde des années I97O qui prônera l’économie de guerre mais avec son départ rapide du fait de la cessation de paiement. Lui succèdera un premier ministre membre du HCE artisan du programme de Tripoli qui signera l’accord de rééchelonnement avec le FMI, démissionnant tout juste après, l’Algérie étant en cessation de paiement n’ayant pas de quoi acheter un kilo de farine, alors que certains responsables politiques clamaient haut et fort à la télévision et dans la presse que l’Algérie n’irait pas au rééchelonnement. Les accords avec le FMI verront une baisse drastique de la valeur du dinar qui sera dévaluée, et qui continue de nos jours ,ne permettant pas malgré un euro qui  égal à  100 dinars officiels( avec un écart de 50% par rapport au marché parallèle un euro 150 dinars) de dynamiser les exportations hors hydrocarbures du fait d’une libéralisation anarchique non maîtrisée . 

    4.-La période qui suit verra un Chef d’Etat avec un parlement de transition à savoir le C.NT (conseil national de transition) combinaison d’associations et de partis politiques. Viendrons les élections de ce Président axé sur le rassemblement, pour sortir le pays de la crise et une nouvelle  constitution. Et une nouvelle constitution (1996) qui va s’attacher à éliminer les éléments de dysfonctionnement que la Constitution de 1989 a introduit dans le système politique et encadrer de manière sévère les mutations que je viens de rappeler. Elle crée la seconde chambre, dite Conseil de la Nation, et par le truchement de l’article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par l’APN. Mais fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années. Mais nous sommes toujours dans la même ambiguïté politique en maintenant le caractère dual de l’Exécutif,( ni régime parlementaire, ni régime présidentiel) tout en consolidant le système de Conseils existants dont l’institution d’un Haut Conseil Islamique et d’un Haut Conseil de Sécurité qui est présidé par le président de la République. C’est à cette période que naît le Parti le rassemblement national démocratique (R.N.D) dont le fondement du discours est la lutte anti-terroriste qui raflera presque tous les sièges en 8 mois d’existence tant de l’APN que du Sénat au détriment du Parti FLN et qui provoquera par la suite des protestations interminables et une commission sur la fraude électorale dont les conclusions ne verront jamais le jour. Les parlementaires du fait de la situation sécuritaire de l’époque, auront surtout pour souci de voter pour soi-même des rémunérations dépassant 15 fois le SMIG de l’époque alors que la misère se généralise, oubliant naturellement du fait de la généralisation des emplois- rente, qu’un parlementaire aussitôt sa mission terminée retourne à son travail d’origine, et qu’une retraite automatique revient à afficher un mépris total pour une population meurtrie. Dans la foulée, la venue de deux chefs de gouvernement dont le premier technicien pratiquera le statut quo et le second fera le sale boulot par l’application des accords du FMI qui aura à son actif le cadre macro-économique stabilisé actuellement mais des retombées sociales négatives du fait de la douleur de cet ajustement.  

    5.-Ce président démissionne et des élections sont programmées le 08 avril I999 avec l’élection d’un Président qui promet de rétablir l’Algérie sur la scène internationale, de mettre fin à l’effusion de sang et de relancer la croissance économique pour atténuer les tensions sociales qui sera matérialisé plus tard par le référendum sur la réconciliation nationale avec un vote massif en faveur de la paix. Un chef de gouvernement est nommé après plus de 8 mois d’attente mais son mandat sera de courte duré à peine une année du fait des conflits de compétences. Un second chef de gouvernement est nommé, plus politique qui s’engage également à redresser la situation mais qui démissionne, tout en se présentant candidat à la présidence avec comme conséquence une dualité dans les rangs du FLN dont il est tissu. Il est remplacé par le Secrétaire Général du RND. Viennent ensuite les élections du 08 avril 2004 qui sont largement remportées par le précédent Président avec trois chefs de gouvernement successifs : premièrement le secrétaire général du RND qui a été chargé des élections de 2004, , puis le secrétaire général du FLN courant 2007 ce Parti avec les élections successives étant devenu majoritaire tant au niveau de l’APN que du Sénat, avec peu de modification dans la composante ministérielle puisque l’ancien chef de gouvernement n’a pu nommer aucun ministres entre mai 2006 et juin 2008, (assistant d’ailleurs à la même composante à quelques variantes près depuis 9 années, idem pour les walis et les postes clefs de l’Etat ) puis à nouveau courant 2008 le retour du secrétaire général du RND qui précisons le sera chargé des élections d’avril 2009.  C’est également durant cette période courant novembre 2008 qu’est amendée la constitution, non pas par référendum mais à la majorité des deux chambres, les députés et sénateurs se feront comme leurs prédécesseurs voter un salaire de plus de 300.000 dinars par mois, plus de quatre fois le salaire d’un professeur d’université en fin de carrière. Cet amendement ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de premier ministre consacrant un régime ultra  présidentiel, différents de celui des USA, où les chambres ont un rôle déterminant   . Dans la foulée l’élection présidentielle s’est tenue le 09 avril 2009 où l’ancien président est réélu pour un nouveau mandat de cinq années (2009/2014) où tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président  de la république ,avec un   parlement  désigné  et le gel des institutions de contrôle. Courant 2012  les principaux partis de la coalition présidentielle connaissent une crise  ( FLN-RND  étant à ce jour sans secrétaire général), départ du secrétaire général du RND et son remplacement par Abdelmelek  SELLAL comme premier ministre Et survient la maladie du président de la république transféré à l’étranger ( France) où le premier ministre qui n’a aucun pouvoir joue le rôle de pompier et a pour principal mission de calmer le front  social via la rente jusqu’à la prochaine élection présidentielle dont l’échéance est prévue , à moins d’un évènement majeur au 08 avril 2014.  Et pour la première fois depuis l’indépendance politique, le 05 juillet 2013 le président de la  république est absent des festivités. 

    6.-Dès lors les promesses entre 2004/2013 étaient axées sur   le développement économique et social du pays  avec  la création de trois millions d’emplois durant cette période et d’augmenter le pouvoir d’achat des Algériens. Comme a été promis la  nécessaire moralisation du fait que l’Algérie durant une décennie sanglante où le fondement de l’Etat était menacé avec des destructions massives d’infrastructures, sans compter des milliers de morts, l’Etat ayant été absent cela ayant favorisé bon non nombre de malversations.  La période de 2004 à 2013  devait être consacrée à asseoir un Etat de droit avec la réforme des institutions, du système financier poumon des réformes, du secteur agricole et l’accélération des privatisations. L’objectif était une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures. Jamais depuis l’indépendance politique la dépense publique n’a été si grande avec des surcouts exorbitants: Le pré programme de soutien à la relance économique reposant sur les dépenses publiques a été estimé à   7 milliards de dollars US) et celui de 2004/2013 de 500 milliards de dollars (parts devises et part dinars) mais faite de bilan serein on ne sait pas si ce montant a été intégralement dépensé  et ce  grâce à l’embellie pétrolière. Mais durant cette période, comme durant la période 1980/1985, du fait de la compression de la demande sociale durant la période du terrorisme, demande qui a explosée depuis 2000, la priorité a été accordé aux infrastructures, logement qui ne sont qu’un moyen du développement et non au management stratégique de l’entreprise seule source permanente de la richesse. D’autant plus que l’on se rendit compte du fait de la mauvaise gestion à tous les niveaux, les effets escomptés ne sont pas proportionnels aux dépenses avec une corruption socialisée ( en précisant que la corruption a toujours existé depuis l’indépendance politique), au niveau de la majorité  des ministères, des wilayates,  des   banques en majorité publiques , de la route Est Ouest l,  de Sonelgaz, et surtout Sonatrach mamelle de l’Algérie ,   ce qui a fait dire aux observateurs que le risque est de passer de l’ancien terrorisme à un autre – entendu la corruption- plus mortel pour le pays . C’est dans ce cadre, que l’on assiste à une relative aisance financière ( environ  190 milliards de dollars de réserves de change  et un stock de la dette inférieur à 5 milliards de dollars US) mais une régression économique et sociale ( exportation hors hydrocarbures inférieure à 2% du total et un taux de croissance entre 2000/20103 en moyenne inférieur à 3% alors qu’il aurait dû dépasser 10% Comme conséquence , une faible création d’emplois à valeur ajoutée malgré des dépenses monétaires sans précédent, un taux de chômage selon l’organe officiel , ONS, de 10,6%,mais plus de 20%, selon les organismes internationaux ). Or,  existe une loi économique insensible aux slogans politiques : le taux d’emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. Avec une croissance de la population active de plus de 3% ,un taux de croissance inférieur à 3%  il est impossible de créer trois millions d’emplois,(en majorité créateur de valeur ajoutée),qui nécessitent selon les experts et le gouvernement lui-même 6/7% de croissance annuelle. 

    7.- Il faut être réaliste le bilan est mitigé. En dehors des bilans physiques qui ont peu de significations sans une avancée des réformes de fond à savoir les réformes micro-économiques et institutionnelles, sans lesquelles le cadre macro-économique relativement stabilisé grâce à la rente des hydrocarbures  serait éphémère, il y a fort risque du retour inévitable à l’inflation et l’accélération du chômage, réformes qui seules permettent un développement durable à moyen et long terme. Comme est nécessaire une analyse des impacts par catégories socioprofessionnelles et des écarts entre les coûts prévisionnels et les coûts réels. Comme est posé cette question vitale : le blocage n’est-il pas d’ordre systémique car la situation actuelle est le produit historique certes de la politique actuelle avec des relations complexes entre l’économique, le politique, le social et le culturel, mais également de toutes celles antérieures à l’indépendance politique (colonisation), de 1963 à nos jours du fait que le fondement du système bureaucratique rentier a peu évolué. Le  constat à travers ce cheminement historique est que durant cette période de transition difficile d’une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l’Etat de droit et la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours apparemment libéraux, et moralisateurs que contredisent journellement les pratiques sociales. Les banques, lieu de distribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux les réformes souvent différés s’attaquant plus aux aspects techniques qu’organisationnels, alors qu’elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d’investissement et de valeur ajoutée piétinent faute de cohérence et de transparence ; la facture alimentaire continue d’augmenter malgré le fameux programme agricole ( PNDA) dont il conviendra de faire le bilan du fait plusieurs de milliards de dollars de dépenses , la bureaucratie et la corruption continuent de sévir. Comme conséquence, résultats de la pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayas contre la hogra- la corruption, la mal vie, d’une jeunesse dont le slogan « nous sommes déjà morts » ce qui traduit l’impasse du système économique à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition d’atténuation des tensions sociales pour faire face à ce malaise social. Ainsi le peuple désabusé, vit dans le désespoir comme en témoigne le passage de la musique Rai qui exprime la mal vie depuis les années 1980, puis ces jeunes qui tiennent les murs et le paradoxisme du désespoir les harragas ,ces jeunes souvent avec la complicité de leurs parents qui bravent la mort Aussi s’agit-il de mettre fin à cette sinistrose que certains politiques se hasardent à banaliser sans s’attaquer à l’essence , mortelle pour toute Nation, et d’engager de profondes réformes politiques  et économiques souvent différées. L’Algérie a d’importantes potentialités pour surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée.  Cela implique un  Etat de Droit,  une nouvelle gouvernance et surtout une grande moralité  et des compétences avérées des personnes chargés de gérer la Cité afin d ‘adapter nécessairement et en urgence l’Algérie au nouveau monde caractérisé par d’importants bouleversements géostratégiques.

     

    Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international, Professeur

    Samedi 6 Juillet 2013 - 10:03

     

     

     

     

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire
  •  

    ZOULIKHA OUDAÏ, LA FEMME SANS SÉPULTURE

     

    FEMMES D'EXCEPTION 

    Zoulikha Oudaï née Echaïb Yamina est née le 7 mai 1911 à Hadjout. Issue d’une famille aisée, son père Braham, conseiller municipal, est un riche propriétaireElle n’est âgée que de 6 ans lorsqu’elle perd sa mère et est confiée à ses grands-parents maternels (Dar Aggoun - Essebagh). Scolarisée, elle obtient le Certificat d’études primaires. Elle se révolte très jeune contre le colonialisme français qui enrôle son frère – il perdra la vie lors de la Seconde Guerre mondiale – et son fils, Lahbib – porté disparu en Indochine en 1954. Cette révolte, nourrie par le fait que des Algériens meurent pour la France et pour une cause qui n’est pas la leur, Zoulikha ne cessera de la porter en elle. Le déclenchement de la révolution algérienne lui permettra de concrétiser son idéal d’une Algérie libre et indépendante du joug colonial ; elle s’implique corps et âme pour la Cause et ce, jusqu’à sa mort en chahida sous la torture. Zoulikha est déclarée décédée le 25 octobre 1957 à 15 heures, enregistrée à la mairie de Sidi Ghilès le 12 décembre 1957 par l’armée française. 

    Le fils 

    En 1952, Lahbib est enrôlé et envoyé en Indochine. En 1953, il est dégradé de caporal chef à 2e classe, pour avoir porté un coup de poing à un officier français véreux qui détournait la solde des tirailleurs illettrés ; plus tard, cet officier sera dénoncé et dégradé par le tribunal militaire. Le 18 mars 1954, blessé, il est capturé par les Vietnamiens et libéré le 17 octobre 1954. Pendant cette période, il est considéré disparu. Le 1er janvier 1955, Lahbib rentre en Algérie ; il a 24 ans.

    La révolution étant déclenchée, la France essaye à tout prix de récupérer les anciens d’Indochine. Ainsi, la police et la gendarmerie viennent plusieurs fois à la maison pour tenter de le recruter, mais il refuse et s’enfuit de Cherchell pour rejoindre, dès le début 1955, le Fida de Blida, puis le maquis à Chréa. On l’appelait « l’homme à la vespa », car il opérait ses actions de Fida en vespa ; d’ailleurs il venait de temps en temps rendre visite à sa famille à Cherchell avec ce moyen de locomotion. Pour avoir des nouvelles de son fils, Zoulikha lisait régulièrement le journal (l’Echo d’Alger, la Dépêche quotidienne, Alger républicain) à la recherche d’éventuelles nouvelles de son fils. 

    L’époux : El Hadj 

    Le 15 octobre 1956, El hadj Larbi Oudaï dit Ahmed monte au maquis. Dès le déclenchement de la révolution, il activait déjà dans la clandestinité au sein de la première cellule politico-militaire dirigée par le chahid Allioui Belkacem (président du Mouloudia de Cherchell) ; son activité de maquignon lui permettait, à travers ses déplacements répétés dans la région et dans les souks hebdomadaires des villes et villages de Gouraya à Boufarik etc., de collecter des fonds, de mobiliser, de transmettre informations, renseignements etc. Se sachant recherché, il rejoint le maquis au Pic de Menaceur chez les Oulhandi puis gagne son douar natal Y’oudayen, devenu centre de transit où se trouvait encore sa tribu. Ce 15 octobre à 21 heures, les policiers envoyés par le commissaire Costes viennent le chercher chez lui.

    En mai 1956, une révolte a eu lieu au sein de la prison de Cherchell ; les prisonniers n’avaient qu’un seul objectif : fuir pour rejoindre le maquis. Des complicités ont permis d’armer les insurgés d’armes blanches, ce qui a favorisé leur mutinerie. La femme du directeur, Mme Gauci, fut assassinée lors de cette évasion. Il est vrai que les prisonniers, lors de leurs corvées dans la cour de la prison, ont eu à nourrir des ressentiments à l’égard de la dame qui n’hésitait pas à leur jeter le contenu de ses pots de chambre sur la tête ! Tous ces prisonniers sans exception sont montés au maquis. El Hadj a été victime d’une dénonciation. Ce jour-là, à 21 heures, les policiers envoyés par le commissaire Costes sont venus le chercher chez lui. Zoulikha affronte les policiers et leur demande : « Avez-vous un mandat de perquisition ? »

    « C’est le patron qui nous envoie ! » lui répondent-ils. C’est ainsi que la maison fut fouillée de fond en comble et l’un des policiers trouva, posé sur un meuble, le passeport d’El Hadj ; Zoulikha déclara aux policiers :

    « Mon mari est allé acheter du bétail au marché de Boufarik et il n’est pas rentré ! Je suis très inquiète ! » La perquisition des policiers eut lieu sans ménagement. Le lendemain, Zoulikha se rend au commissariat et demande audience à Costes, la rencontre est violente :

    Zoulikha lui déclare : « Je cherche mon mari ! Je suis très inquiète ! Il doit aujourd’hui livrer de la viande à la caserne et depuis 2 jours, il n’est pas rentré ! »

    « Votre mari est un fellagha ! hurle Costes, on les a instruits, on les a éduqués, et ils ont foutu le camp au maquis ! »

    Le jour où El Hadj a rejoint le maquis, dénoncés eux aussi, Belkacem Allioui et Tayeb Benmokaddem en firent autant. En fait, c’est l’ALN, informée par un auxiliaire de la gendarmerie, et son père Zerrouk de Menaceur qui les alarmèrent. Un militant torturé puis exécuté à la gendarmerie de Cherchell est passé aux aveux.

    A plusieurs reprises, ma mère est convoquée au commissariat par Costes où elle subit régulièrement un interrogatoire serré sur son mari et ses activités pour lesquelles elle nie tout en bloc, arguant du fait qu’il a disparu et qu’elle n’a plus de ses nouvelles.

    Plusieurs fois, ma mère est montée au maquis rendre visite à mon père. Un jeune adolescent de 13 ans, Ahmed Djaâder l’accompagnait ; il était vendeur de petit-lait et ne pouvait attirer l’attention. A Cherchell, il n’y avait plus de responsable politico-militaire. Dénoncés, ils ont rejoint le maquis. Or, la présence d’un responsable en ville était d’une importance capitale pour assurer les liaisons, tracer le maillage de la cité, créer des relais, transmettre les renseignements ; s’occuper de l’intendance et ravitailler le maquis etc. Si Ahmed Ghebalou rencontre El Hadj et lui propose de nommer Zoulikha son épouse, responsable politico-militaire à Cherchell.

    « Ya el Hadj ! lui dit-il, il n’y a plus de responsables à Cherchell, il n’y a plus d’homme ! Nous n’avons plus de contacts ! Deux personnes contactées ont refusé d’assumer la responsabilité ! Et si on désignait La Zoulikha ? L’ennemi ne la soupçonnerait pas ? » C’est ainsi que ma mère fut désignée.

    Zoulikha Oudaî est nommée responsable politico-militaire à Cherchell par Ahmed Ghebalou.

    Les premiers contacts que ma mère s’est empressée de prendre le furent avec les familles dont les enfants ont rejoint le maquis (du moins quelques-unes). Trois responsables venaient souvent à la maison : Maâmaar Mosteghalmi, Abderahmane Labbaci et Mohamed Alliche. Ma mère les recevait dans la salle à manger autour de la table ; pendant ce temps-là, je surveillais la rue et épiais les moindres allées et venues ; ma mère leur donnait ses instructions ; chacun de ces hommes avait une cellule et l’organisation fonctionnait selon le système pyramidal ; elle recevait également la mère de Belkacem Alioui, nommée la mère de « Si Amar ». Lorsque cette dame venait, je n’assistais pas ; les seules personnes que m’autorisait ma mère à voir étaient Lla Kheira Nedjaria, Zoubida et Zahia Benmokaddem et leur cousine Assia Benmokaddem ; par mesure de sécurité et pour me prémunir,

    je ne devais pas connaître les autres ; le cheikh Mohamed Salah Ferraz de la medersa est venu voir ma mère qui lui donnait des instructions. Quant à Hamid Belkacem dit Ghebalou, épicier à Ain Qciba, ma mère le rencontrait chez lui. Le cloisonnement était son souci majeur. D’ailleurs, après le décès de Zoulikha, la cellule ne fut pas démantelée. 

    El Hadj est abattu par l’armée française 

    Le 4 décembre 1956, mon grand-père, pâle, le regard hagard, vient chez nous. Ce jour-là, l’aviation et les hélicoptères n’avaient pas cessé de sillonner le ciel et les bombardements s’entendaient à des lieues à la ronde. Le vieil homme ignorait les activités clandestines de sa belle-fille. Il annonce la nouvelle à ma mère qui aussitôt se ressaisit et lui dit, le regard dur et le ton tranchant : « Je monte immédiatement ! Je veux en avoir le cœur net ! Je veux savoir si c’est bien lui ! »

    Mon grand-père tenta de l’en dissuader, elle lui déclara : « Avec ou sans toi, je monte ! »

    Nous étions en décembre et les journées étaient courtes ; en cours de route, le groupe de trois personnes rencontra une sentinelle qui surveillait ; ma mère, mon grand-père et la tante étaient arrivés au moment où les hommes s’apprêtaient à enterrer mon père ; ma mère eut un malaise, puis, après avoir recouvré ses esprits, s’empresséa de lui découvrir le visage pour l’identifier ; elle l’aurait déterré si elle était arrivée trop tard, car il fallait qu’elle ait la certitude que c’était bien lui.

    Mon frère Lahbib, prévenu, est arrivé à temps et a assisté à l’enterrement au cimetière familial d’Youdayène. Les maquisards, ayant assisté à la scène, ont raconté que durant le ratissage, après les bombardements, mon père avait eu une entorse au pied. Il demanda à deux jeunes qui l’accompagnaient de fuir, il a été intercepté par les militaires. On lui a demandé de dire « vive

    la France » et devant son refus, il a été abattu à bout portant. Il aurait dit au moudjahid Abdi avant de partir : « Là où on m’arrêtera tu trouveras mon corps. »

    Lorsque mon frère a appris l’arrestation de mon père, il a envoyé, par l’intermédiaire d’une personne, une lettre à ma mère, lui demandant de constituer un avocat. Ma mère n’a jamais reçu cette lettre… La lettre a été confiée à une main ennemie !

    A la suite du ratissage, le camp a été brûlé, tout ce que contenaient les abris et les maisons a été la proie des flammes.

    Ma mère est rentrée incognito à Cherchell et Costes l’a convoquée ; leur entretien a été houleux ; ma mère a déclaré que les militaires avaient dépouillé mon père de son argent, de ses affaires et de sa montre de gousset en or. Il est vrai que la somme qu’il portait sur lui était pour la révolution mais ma mère a dit à Costes : « Cet argent est à mes enfants ! Vous l’avez volé ! » Ensuite ma mère s’est rendue chez l’avocat, Maître Roques, qui a réussi à récupérer les affaires personnelles de mon père, son argent et sa montre. Le 7e jour après l’enterrement, je suis montée avec elle ; c’était la première fois que je montais au maquis ; j’avais 13 ans. Le 21 mars 1957, et à la suite d’une dénonciation, ma mère a été contrainte d’abandonner sa maison et ses enfants (dont le petit dernier, Abdelhamid, âgé de 6 ans, avait la rougeole) et de monter au maquis. 

    Arrestation de Lahbib en janvier 1957 

    Depuis le décès du père, Lahbib a quitté la région de Cherchell et s’est replié sur Blida ; il est arrêté en janvier à la rue d’Alger à Blida. On l’attendait dans le magasin d’un militant M. Chelha, canon sur la tempe ; Lahbib est emmené au commissariat. Immédiatement, Zoulikha a constitué un avocat qui, malheureusement, n’a pas assisté à l’audience. Elle n’a cessé de chercher son fils. Après l’indépendance, on a appris qu’il fut exécuté à Sidi El Kebir, route de Chréa.

    Sa tombe ne fut jamais retrouvée.

    Costes convoque ma mère à ce sujet : « Pourquoi n’êtes-vous pas venue me voir ? lui dit-il. Allez voir à Berroughia ! Il doit y être ! »

    Le lendemain, ma mère a été dénoncée à Costes qui, fou de rage, fulminait : « Hier elle était là et elle m’a échappé ! » Costes a ajouté après le départ de ma mère : « S’il y avait cinq hommes comme elle à Cherchell, je prendrais ma valise et je partirais ! »

    Ma mère devait à tout prix quitter la maison ; elle était brûlée à Cherchell et dénoncée auprès de Costes. Elle s’est rendue en car à Alger chez une parente dont le mari venait d’être arrêté ; celle-ci prit peur, s’excusa et refusa de l’héberger. Ma mère reprit le car et revint à Cherchell, dans un quartier à l’entrée de la ville, Mdoura, chez la famille Melhani Braham.

    Dès cet instant, une surveillance constante et accrue s’est installée dans notre quartier et autour de chez nous. Je ne fréquentais plus l’école primaire, sauf la medersa, en fin d’après- midi.

    Quelques jours avant le ramadan, j’entendis des murmures à l’étage ; mon beau-frère était là et ma sœur me dit : « Monte ! » Ma mère faisait sa prière et je ne l’avais pas vue rentrer ! En fait, elle avait escaladé le mur des voisins Dar El Miliani. J’entendais des conciliabules entre ma mère et mon beau-frère : « Que disent les Français ? Renseigne-toi ! Plus de 30 Cherchellois ont été arrêtés ! Costes est monté en grade ! »

    Durant tout le ramadan 1957, ma mère est restée cachée à Mdoura, dans l’attente d’instructions pour rejoindre le maquis. Mon beau-frère a été interdit de séjour durant trois mois à Cherchell et ma sœur a été convoquée par le commissaire qui éructait : « Et dire qu’elle était là, à côté de moi ! Alors que la responsable, c’est elle ! Si la maison n’était pas en ville, je l’aurais bombardée avec tout ce qu’il y a dedans ! » 

    Lla Lbiya adhère à la cause 

    Lla Lbiya Lakehal est une sage-femme honorablement connue à Cherchell. De par sa profession, elle est amenée à recevoir à toute heure du jour et de la nuit des femmes en consultation ; le choix de sa maison comme lieu de rencontre est judicieux à plus d’un titre (elle se situe à 100 mètres du mess des officiers et à 50 mètres de la salle d’instruction sur l’armement). C’est ainsi que ma mère demande à ma sœur de prendre contact avec elle et de lui demander si elle accepterait de servir la Cause ; la sage-femme répond sans hésiter : « Ma maison est la vôtre ! » Les va-et-vient des femmes voilées n’intriguaient aucunement les militaires. Dès lors, ma mère se mit à venir une fois par semaine, précédée d’un guide, Djelloul, qui assurait sa sécurité ; Aziza, la petite-fille de la sage-femme venait à la maison me prévenir : « Ta mère est là, viens la voir ! »

    Je mettais un voile malgré mes 13 ans pour ne pas être reconnue et accourais chez la sage-femme ; ma mère venait récupérer les médicaments, les vêtements, les drapeaux, les écussons et surtout l’argent collecté auprès de la population. C’est notre voisine, Lla Fatma qui était chargée de lui ramener la collecte que lui remettait Allel Béhiri (el ichtirak). Couvertures, vaisselle, linge, tout était envoyé au maquis. 

    La scène du mercurochrome 

    Pour les soins aux blessés, les besoins étaient simples : coton, pansements, bandages, alcool, mercurochrome et pénicilline en poudre injectable. Toutes les personnes sollicitées pour ces achats rapportaient de paniers pleins de flacons qui ne devaient contenir chacun que quelques millilitres (25 à 30) et ces paniers étaient encombrants ! Transvaser le tout dans des bouteilles d’un litre était la solution. Ce jour- là, chez Lla Lbiya, le transvasement des flacons s’opérait à travers les mains des femmes assises au sol : ma mère, Zoubida Benmokadem, la sage- femme, Aziza et moi.

    Un geste maladroit a renversé au sol la grande bouteille pleine aux trois quarts ! Les mains sont rouges, le carrelage est inondé et le produit est indélébile ! A cet instant précis, on cogne violemment à la porte. Stupeur des trois femmes et des deux jeunes filles ! Les visages pâlissent et les cœurs battent aussi fort dans les poitrines ; ma mère est recherchée, et les médicaments et le mercurochrome constituent une pièce à conviction irréfutable de son implication au maquis ; si c’est la police, nous sommes perdues… arrêtées, torturées, seule la mort peut nous délivrer.

    Les coups redoublent à la porte et la maîtresse se résout à ouvrir, les mains rouges et tremblantes ! Le flagrant délit va être constaté et nous sommes perdues. La porte s’entrouvre doucement et la sage-femme aperçoit, ahurie, dans l’entrebâillement de la porte… l’éboueur, qui lui réclame le seau à ordures qu’elle a oublié d’entreposer devant le seuil de sa maison!

    Dans la pièce, les respirations sont suspendues, seuls les visages livides et les fronts moites attestent des instants dramatiques vécus durant des secondes qui ont semblé des heures ! Les rires fusent, pour dédramatiser l’instant durant lequel la mort a rôdé dans la maisonnette de Lla Lbiya.

     Ce jour-là, dans l’après-midi, ma mère a quitté Cherchell.

    Quelques jours avant qu’elle ne rejoigne le maquis, nous avions accompagné ma mère à Y’oudayène. Le lendemain, l’armée a bombardé le maquis et tout le secteur. Ma tante a fui avec les deux garçons et sa belle-fille et moi nous nous sommes cachées ailleurs. Nous n’avons pas cessé de réciter la Chahada car nous sentions notre fin très proche. Ma mère est demeurée sur place, assise sous un arbre avec un cousin. Depuis, elle ne nous a plus emmenés avec elle au maquis. 

    Le panier de légumes 

    Ce jour là, Aziza vient m’appeler : « Viens » ! Je comprends que ma mère est descendue chez Lla Lbiya. Les deux femmes étaient mortes d’inquiétude : le guide a été arrêté par les militaires du côté de Bab el Matmar. Il transportait un panier de médicaments recouverts de légumes. Le guide était chargé, soit de la précéder, soit de la suivre ; s’il est arrêté, elle doit changer de direction et fuir. Et si le guide est torturé et qu’il avoue ? Où cacher ma mère ? Où passer la nuit ? Constatant que le guide ne revenait pas et qu’il avait bel et bien été arrêté, ma mère rebroussa chemin et rentra à Cherchell. (A noter que Cherchell possédait uniquement trois entrées surveillées : porte d’Alger, porte de Ténès et Porte de Miliana).

    C’était l’époque du recensement et chaque maison recensée était marquée d’une croix rouge ; les contrôles se font de nuit et si une personne supplémentaire se trouve dans une maison recensée, ses habitants sont en danger d’arrestation, voire de torture et de mort. Je pleurais et ma mère aussi. Où passer la nuit ? La sage- femme dit à ma mère :

    « Passe donc la nuit chez moi ! » Et ma mère de lui répondre : « Si je dois affronter le danger, autant aller dormir dans ma maison ! » Lla Lbiya a une idée : son petit-fils Mâamar a endossé la fonction de sentinelle ; il a un ami, Allel Zougari, qui habite à Tizirine ; elle demande à Maâmar d’aller le chercher ; aussitôt les deux garçons arrivés, la sage-femme teste Allel en lui présentant le drapeau algérien ; le jeune homme le baise et le pose sur sa poitrine et la dame comprend alors que le garçon est dévoué à la Cause ; elle lui demande d’accueillir ma mère chez lui pour la nuit.

    Elle fut très bien reçue chez les Zouguari, dans leur maison, située face à celle du commandant de secteur français tristement célèbre, le lieutenant colonel Cointe! Le lendemain matin, lorsque ma mère revint chez Lla Lbiya elle apprit que le guide qui avait été arrêté avec son panier de « médicaments-légumes » avait subi une journée de travail forcé, puis avait été libéré le soir même. Son panier lui avait été rendu sans avoir été contrôlé  ! 

    Zoulikha échappe à une arrestation 

    Un jour, ma mère s’est déplacée, transportant de précieux documents ; alors qu’elle longe une crête, elle voit subitement un groupe de soldats français en contrebas accompagnés de goumiers qui assurent la traduction pour les personnes qui ne parlent qu’arabe ou kabyle. A quelques mètres, un vieil homme marchait, se rendant probablement au souk ; les soldats lui crient de descendre.

    – « Dis que je suis ta femme et que je suis muette et sourde ! » lui crie-t-elle.

    Au début réticent, le vieil homme a obtempéré, et ma mère a fait semblant de trébucher au sol. Protégée par son voile, elle a caché les documents derrière un buisson quelle a recouvert de terre, et s’est passé les mains sales sur le visage pour ne pas être reconnue (teint blanc et grain de beauté sur la joue sont les particularités portées sur sa fiche de recherche.)

    Les militaires les ont longuement observés, puis les ont laissés partir ; ma mère est retournée le lendemain récupérer les documents cachés la veille. 

    Le foulard 

    Ce jour-là, Mohamed Alliche et Abderrahmane Youcef-Khodja (dont le frère Braham est mort au maquis, et dont l’autre frère Mourad est mort des suites de la torture infligée par la gendarmerie) viennent rendre visite à Zoulikha à Y’oudayène ; la séance de travail terminée, ma mère leur propose de prendre un café. « On revient dans un moment ! » lui dit l’un d’eux ; ils quittent les lieux. Quelques instants plus tard, Zoulikha entend des rafales de mitrailleuse et songe immédiatement qu’ils ont dû être suivis et abattus. Lorsque les soldats français quittent les lieux, Zoulikha se précipite vers les deux moudjahidine baignant dans leur sang : elle ôte le foulard qu’elle porte, le trempe dans leur sang et le ramène là où elle vit, dans une grotte. Bien plus tard, Lla Lbiya m’a envoyé un voile et un foulard propres, lavés ; et elle m’a dit : « Ces objets ont appartenu à ta mère, garde-les en souvenir d’elle ! »

    J’ai su bien après l’indépendance, que c’était le foulard que ma mère avait trempé dans le sang des chouhada. 

    Invitée à passer le Mouloud dans la grotte 

    Lors d’une rencontre chez la sage-femme, ma mère me dit : « Venez passer le Mouloud avec moi, tes frères et toi !  J’enverrai Djelloul vous chercher dimanche, à telle heure ! » Le rendez-vous est pris devant le mausolée de Sidi Braham el Ghobrini, pour prendre ensuite le car. Mes deux frères ne m’ont pas accompagnée, jugés par ma tante trop « citadins » pour paraître ruraux aux yeux des soldats français que nous pourrions rencontrer, et le plus jeune venait de se fracturer le tibia ; il ne fallait pas qu’elle le sache ! Pas de Djelloul en vue, et le car est à l’arrêt ; pensant le trouver à l’intérieur, je monte, le cherche, ne le vois pas, et voilà que le car démarre. Je n’ai pas d’argent pour payer ma place et je ne sais quelle destination prendre ni où descendre ! Je suis effrayée et mon visage doit refléter la peur panique qui m’envahit… Arrivé au premier arrêt de Kherrouba (Sidi Amar), le car se vide de ses voyageurs et je reste seule… je ne dis rien, la peur me paralyse. Le chauffeur a dû remarquer dans le rétroviseur cette gamine (j’ai alors 13 ans) seule et perdue, et au lieu de continuer sa route, rebrousse chemin et me ramène à Cherchell là où se trouve l’arrêt. Je rentre à la maison à Aïn Qciba et notre voisine Lla Fatma, stupéfaite, me demande ce que je fais là ! Je réponds que Djelloul n’est pas venu mais que je vais retourner le chercher car ma mère m’attend !!

    Nous somme dimanche et c’est jour de marché ; beaucoup de gens viennent des alentours pour faire leur marché ; j’accoste un vieux monsieur et lui pose la question :

     « Connais-tu Rokia Oudaï de Aïzer ?

    – Bien sûr ! Qui ne la connait pas ! me répondit-il, intrigué par cette gamine timide qui semble désemparée.

    – Peux-tu m’accompagner chez elle ? lui demandais-je. »

    Le vieil homme aurait pu m’interroger sur mon identité ; sur ma relation avec Rokia, qui sont mes parents, où sont-ils, que fais-je ici ? Et pourquoi ? Rien de tout cela. Sa logique n’était pas la mienne ; au contraire, chemin faisant, il me parlait des maquisards, de la guerre, de ce qui se passe là-haut dans les montagnes ! J’étais sidérée que, sans me connaitre, ce vieil homme me parlait avec une telle franchise ! Je lui en fais part :

     « Tu ne sais pas qui je suis et tu me parles des frères ? Et si j’étais un traître ?

    Il hoche la tête et répond :

    – Si ta tante est Rokia, tu n’es pas un traitre ! »

    Nous avons marché jusqu’à la ferme Rivailles ; un homme rencontré en cours de route, était accompagné de sa jument et m’a hissée sur l’animal ; je me sentais mieux. Arrivés à Aïzer, mon accompagnateur m’a montré au loin une maisonnette.

    « C’est la maison de ta tante » me dit-il très calmement, sans me demander pourquoi je venais de braver tant de danger pour m’y rendre !

    Dès qu’elle me vit, ma tante se frappa la poitrine à deux mains :

    « Tu es seule ?  Comment es-tu venue jusque-là ? »

    Et ma première question fut :

     « Où est ma mère ?

    –  Non, ta mère n’est pas là ! »

    La tante envoya immédiatement un émissaire chez ma mère. A la tombée du jour, un maquisard, Mustapha Rachedi, est venu me chercher. A la lueur d’une lampe de poche, nous avons traversé des pistes, des champs et des collines, et au bout de quelques heures, j’ai vu une silhouette de femme.

    Ma mère s’est approchée de moi et sa première question fut :

    « Ou est Djelloul ?

    –  Je ne sais pas !

    –  Qui t’a accompagnée ?

    –  Un vieil homme !

    –  Tu le connais ?

    –  Non !

    –  Où sont tes frères ?

     Lla Fatma n’a pas voulu les laisser venir ici ! »

     J’ai passé dimanche, lundi et mardi avec ma mère ; elle vivait dans une grotte ; un cousin paternel lui apportait ses repas (Ahmed Ben Braham Oudai) ; seules 4 personnes la connaissaient et savaient quelles étaient ses activités, et où elle logeait. Lorsque nous marchions dans la colline, ma mère trainait derrière elle une branche feuillue pour effacer les traces de pas ; mardi, je ne voulais pas rentrer à Cherchell !

     « La vie de maquis te plaît ! » me dit-elle en riant.

    Ce jour-là, elle attendait la visite de Boualem Benhamouda a qui elle devait rendre compte de ses activités, des provisions et de l’argent, et le garde-champêtre Berkane venait d’envoyer du blé.

    Ma mère m’a donné des instructions :

    « Dis à Lla Lbiya que les filles préparent les affaires pour samedi ! Je viendrai pour tout récupérer ! » 

    La dernière mission 

    Je rentre à Cherchell sous une pluie diluvienne. L’oued Aîzer est en furie et je suis trempée avec mon voile mouillé et alourdi qui traine dans les eaux bouillonnantes. Mon oncle a dû me porter car je risquais de me noyer ! Arrivés vers le début de l’après- midi, je suis allée chez ma grand-mère qui m’a remis un voile sec et une paire de mules pour rentrer chez moi sans attirer l’attention du voisinage, ni des sentinelles du commissaire. Le samedi, ma mère est venue ; Maâmar et Zougari ont sorti les affaires entassées dans des sacs de plage en bâche jusqu’à Tizirine , et là, le guide les a récupérés pour les transférer au maquis. La sœur de la sage-femme, Lla Baya, travaillait à l’hôpital Mustapha et militait avec les Saâdoune. Il fallait envoyer des pataugas au maquis, ma mère l’a chargé de l’achat de ces chaussures à Alger. 

    Le mardi 15 octobre 1957 

    Annonce de l’arrestation de ma mère ; le monde s’écroule autour de moi ! Ma sœur m’avait prévenue : « Si notre mère est arrêtée, envoie-moi un télégramme et écris « Lalia est malade », et si elle est morte écris « Lalia est morte ». »

    Le télégramme a mis plus d’une semaine pour arriver à Tiaret. Ma sœur est allée voir l’avocat Maître Roques, qui a bien connu mes parents ; il lui a assuré qu’il ferait le maximum pour que nous puissions la voir en prison. Le lundi ma sœur est retournée chez l’avocat qui lui a déclaré :

    « Je ne peux rien faire pour vous ! Je me suis heurté à un mur ! »

    De 1956 à 1958, le commandant du secteur de Cherchell était le lieutenant-colonel Gérard Le Cointe ; c’est lui qui a instauré la torture dans les camps isolés à l’époque. Les maquisards étaient torturés jusqu’à ce que mort s’ensuive. Zoulikha, des mois plus tôt, avait déclaré à sa famille :

     « Même si on doit me brûler comme Jeanne d’arc, je ne parlerai pas ! » 

    Témoignage recueilli par Nora Sari 

    Epilogue En mai 1982, des restes et des ossements de chouhada ont été transférés au cimetière de chouhada de Marceau (Mennacer) ; un témoin aurait dit : « Lorsque nous avons vu cette femme morte, nous avons remarqué que la plante de ses pieds était lisse et blanche, elle n’avait pas les pieds craquelés des paysannes ; nous avons compris que c’était la femme d’El Hadj, mais nous avons préféré garder le silence. »Le 12 décembre 1957, 48 jours après son exécution, le 25 octobre 1957, Zoulikha fut déclarée décédée à la mairie de Sidi Ghilès.Alioui a été tué lors de son arrestation, Ahmed Oudaï blessé, puis arrêté, puis tué. Tout ce qui porte le nom Oudaï a été tué après avoir été torturé, les maisons brûlées, la zone bombardée par l’aviation et déclarée zone interdite.Mustapha Rachedi dit Rachid et Amar Boumaâza sont enterrés à ses côtés.Dix-sept membres de la tribu Oudaï sont morts au champ d’honneur.Le quartier Aïn Qciba, encerclé au sud par l’Ecole d’officiers, à l’est par leurs logements, à l’ouest par leur mess, et au nord par le commissariat et la gendarmerie, comptabilise à lui seul 26 chouhada, une dizaine de moudjahidine et de nombreux détenus politiques.Dès que l’arrestation de ma mère fut connue, Lla Lbya et sa sœur Baya ont cessé les envois de pataugas au maquis.L’infirmier n’est pas de Cherchell ; il travaillait au service radiologie de l’hôpital. Une pellicule contenant des photos de Zoulikha au maquis avec tous les maquisards a été prise. Mais à qui confier le développement ? Zoubida a songé au radiologue et Zoulikha a refusé ; heureusement, car l’infirmier a été arrêté.Avant de prendre le maquis, Zoulikha a brûlé toutes ses photos. Seules deux photos ont été récupérées.La photo de la jeune femme enchainée à un camion qui circule via internet n’est pas celle de Zoulikha Oudaï ! Il s’agirait de celle d’une autre chahida probablement dont l’identification reste à établir, afin de réhabiliter cette moudjahida.Zoubida Benmokkadem a été arrêtée et condamnée à la prison. Après sa sortie, elle a repris ses activités au service de la révolution 

    HISTORIQUE 

      

    Zoulikha, battante et combattante 

     

     Tipaza :http://tipaza.typepad.fr/mon_weblog/2007/06/zoulikha_une_ba.html

     

     La Chahida Lalla Zoulikha Oudaï. Combat de la femme durant la Révolution de 1954    

     Une rencontre illustrée d’une battante et combattante. L’histoire de Zoulikha. « Je m’interroge, déclare Mme Ighilahriz. Pourquoi les autorités concernées n’ont rien fait pour honorer la mémoire de cette combattante et nous rappeler la vie de cette héroïne, exécutée le 25 octobre 1957. »              

    Cette grande dame native de Hadjout 

    Des témoins encore en vie sont venus relater le comportement, la sagesse, l’intelligence, le courage, le combat de cette femme qui avait été marquée, dès son jeune âge, par le mode de vie des familles indigènes, sans ressources, dont les maris étaient mobilisés pour combattre dans les rangs français, les forces nazies. Mme Yamina Echaïb, dite Zoulikha, veuve Oudaï Larbi, qui parlait parfaitement le français et n’avait aucun complexe face aux Européens, a pu réaliser son rêve lorsque la guerre de Libération nationale a été déclenchée le 1er novembre 1954. Cette grande dame native de Hadjout, mère de trois enfants en bas âge, s’était illustrée par sa détermination farouche contre l’occupant, en dirigeant les femmes et les hommes pour la cause nationale, et en utilisant tous les subterfuges pour contourner les embuscades tendues par les forces coloniales. Quand les autorités coloniales se sont rendu compte de son rôle auprès de la population cherchelloise et de ses environs, elle décide alors de fuir et de rejoindre définitivement le maquis. Pour maintenir l’activité de deux réseaux, elle avait été désignée à la tête de l’organisation politico-militaire dans cette partie de la wilaya de Tipaza. Sâadoun Mustapha, Ghebalou Ahmed, Boualem Benhamouda, ses deux filles, Khadidja et Fatma-Zohra, Benmokadem Zoubida et Assia, Roudane Djelloul, Belgroune et Oulhandi Ahmed, qui avaient un lien direct avec elle, sont tous venus d’Alger, Blida, Menaceur pour témoigner avec une très grande émotion, de surcroît pour la 1re fois, 50 ans après sa mort, sur la vie de l’héroïne du livre d’Assia Djebar. La maman des trois petits enfants, Khadidja, Mohamed et Abdelhamid, avait été capturée le 15 octobre 1957 et torturée durant 10 jours. Elle n’a jamais dénoncé ses femmes et ses hommes qui militaient sous sa direction, dans le but de préserver l’organisation politico-militaire. « Devant nous, ses mains menottées, déclare un des témoins, elle a craché à la figure d’un capitaine militaire et nous a dit : ‘‘Regardez ce que font les soldats français d’une algérienne.’’ » « Nous ne l’avons plus revue depuis ce jour », conclut-il. Le mardi 25 octobre 1957, à 15h, Yamina Oudaï, dite Zoulikha, a été exécutée. C’est l’autre héroïne du combat de femmes, Louiza Ighilahriz, qui n’a pas caché son émotion devant les témoins qui se sont succédé, qui a tenu à rappeler quelques repères de son long parcours, la torture et les exactions perpétrées par le colonialisme durant cette période de lutte. « Mes parents m’ont préparée pour le combat, bien avant le déclenchement de la Révolution. dit-elle. j’ai choisi cette voie avec conviction. Le sacrifice pour mon pays est un devoir, mais qu’est-ce que je suis devant ces femmes et ces hommes qui ont donné leur vie pour la libération du pays ? », conclut-elle. L’oratrice a rappelé le combat de la femme algérienne durant cette période difficile. Elle a exhorté ces femmes à parler, comme ce fut le cas lors de cette rencontre, pour dénoncer les exactions des forces coloniales et écrire la vraie histoire de l’Algérie. La chahida a été victime de l’oubli et du mépris, en dépit de son rôle durant la guerre de Libération nationale dans sa région. Les témoignages ont fait réagir à la fin de cette rencontre, la présidente de l’Instance nationale pour la décolonisation des relations algéro-françaises, pour affirmer que la chahida Zoulikha ne sera désormais jamais oubliée à compter de ce moment. L’exposition de Hadj Abdou sur le combat des Algériennes a secoué les consciences de l’assistance. Deux posters de la chahida Yamina Oudaï, dite Zoulikha, ont été remis à la ville de Cherchell, à l’issue de cette manifestation caractérisée par la présence d’un nombre inattendu de femmes venues de tous les horizons, en hommage à cette grande dame, Zoulikha. 

    M'hamed H. 

    In ''El Watan'' du 16-6-2007 

    La Chahida Lalla Zoulikha Oudaï. 

    Fille d’un père cultivé, grand propriétaire terrien et conseiller municipal, Zoulikha Oudai a vécu à Cherchell, où elle est instruite dans une école indigène. Elle donne naissance à cinq enfants. l'un d’eux sera exécuté en janvier 1957, par les services de renseignements français, deux mois après l'exécution de son père et mari de Zoulikha El Hadj Si Larbi. 

    L’exécution par l’armée coloniale de son conjoint et de son fils sont des éléments déclencheurs de son engagement pour l'indépendance de l'Algérie. Rapidement nommée responsable du Front de libération nationale dans la région de Cherchell, elle participe à des opérations de renseignements pour le FLN et de rapprochement entre le FLN et la population. Elle financera le FLN avec l’argent de son mari. Quand le réseau FLN de la région de Cherchell est démantelé, en 1957, Zoulikha Oudai intègre le maquis où elle se réfugie auprès de Boualem Benhamouda, commissaire politique du secteur. 

    L'armée française lui tend une embuscade dans l’oued Haïzer où elle est arrêtée le 15 octobre 1957 et exposée attachée à un véhicule blindé. Elle s'adresse à la foule : « Mes frères, soyez témoins de la faiblesse de l’armée coloniale qui lance ses soldats armés jusqu’aux dents contre une femme. Ne vous rendez pas. Continuez votre combat jusqu’au jour où flottera notre drapeau national, sur tous les frontons de nos villes et villages. Montez au maquis ! Libérez le pays ! »1 Le capitaine tente de la faire taire : elle lui crache au visage. Elle est torturée pendant dix jours mais ne livre pas le nom de ses compagnons d'armes.

    Exécutée le 25 octobre 1957, son corps n'est retrouvé qu’en 1984 quand un agriculteur déclare se souvenir avoir enterré le corps d’une femme trouvée morte avec des menottes sur la route. Elle est désormais enterrée au cimetière des martyrs de Menaceur.

     

     

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire
  • FRANCE / ALGERIE 

    Bilan d'une guerre d'indépendance

    Conférence-Vidéo donnée Par Mohamed Harbi 

    La résistance algérienne à la colonisation et le régime auquel elle a donné naissance sont restés longtemps dans la controverse et les polémiques entre idéologues. Cette période, sacralisée par les uns, dévalorisée par les autres, a surtout créé des mythes qui se transmettent de générations en générations. Depuis les années 80 plusieurs écrits en France et en Algérie ont conditionné de nouveaux regards sur cette résistance. 

    L'analyse se limitera ici aux systèmes politiques. Il faut constater que l'aventure coloniale a finalement été restreinte dans ses transformations même si l'héritage est important. La société algérienne aurait eu de meilleures chances de réussite si la France, à son avantage immédiat et au bénéfice futur de sa colonie, avait fait le pénible travail de destruction des structures traditionnelles et le douloureux accouchement d'individus autonomes. Un argument qui était d'ailleurs utilisé pour justifier la colonisation et c'est également ce qu'ont demandé en vain les libéraux algériens des années 30. Tous les problèmes qu'ils avaient posés, celui de la sécularisation, celui de l'égalité des sexes, celui de la culture, ont été oubliés simplement au profit de la souveraineté et se posent aujourd'hui après un long et chaotique détour.

     L'histoire de l'indépendance de l'Algérie 

    L’Algérie : un pays bloqué par son régime 

    Faire le bilan de l’Algérie indépendante est une action audacieuse et téméraire, car l’Algérie est un cas qui nécessite une expertise minutieuse et un examen approfondi pour comprendre son incapacité durable à se développer depuis son indépendance et garantir une vie, digne des êtres humains, aux Algériens, malgré la disponibilité de ressources extraordinaire. Se focaliser sur la culture politique algérienne permet sans aucun doute de faire la distinction entre le discours populiste et la réalité des mécanismes de la gestion socioéconomique de ces ressources une gérontocratie non disposée à cohabiter avec le mérite et la compétence. C’est aussi se focaliser sur le rôle de l’armée dans la cooptation des gouvernants qui doivent être aux commandes du pays.

    Faire le bilan de l’Algérie, c’est reconnaître avant tout le grand et honorable sacrifice de tout un peuple qui a eu le courage de combattre l’une des plus grandes puissances criminelles et colonialistes occidentales et conquérir son indépendance par une guerre pour la paix. C’est aussi reconnaître à ce grand peuple son refus de la soumission et l’humiliation. Mais les gouvernants qui se sont succédé à la tête de l’Etat et ses différentes institutions ne se sont pas investis pour le bien-être des couches sociales pour une vie libre, aisée et surtout démocratique. Jamais la désignation pour les uns et l’élection pour les autres d’un président de la République n’ont suscité autant de polémiques et de tensions sociologiques, que cela concerne la pyramide du pouvoir ou la base populaire. Pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante, des marches de contestation contre le candidat du régime sont organisées contre sa reconduction “électorale automatique”. Quelles lectures peut-on faire de ce sujet qui a disloqué les courants confluents du régime en place et perturbé la relation entre les différentes institutions qui ont la main sur le pays ? C’est la peur de l’avenir qui est paradoxalement, à la fois une raison de la patience du peuple et la raison des manifestations contre le quatrième mandat qui est un scénario très dangereux pour cet avenir, dans la mesure où les cohabitations d’intérêts ne se feront plus par voie pacifique, et où les confrontations peuvent facilement hypothéquer l’exercice du pouvoir lui-même. 

    L’idéologique populiste pour le contrôle de la société 

    Gardons à l’esprit tout au long de la lecture de cette contribution que nous entamons la deuxième décennie du 21e siècle. L’Algérie se situe entre deux grandes régions géographiquement opposées : la première c’est le Sahel, la porte vers le continent africain pauvre, sous-développé, sans ressources et surtout corrompu et dominé par une caste locale sans aucune considération pour ses concitoyens. L’autre région c’est l’Europe, continent développé, riche, utilisant toutes les potentialités pour une vie agréable des habitants européens et un respect sacré des droits de l’homme. Il semble que les décideurs algériens ont fait leur choix depuis 1962 : ils ont choisi le premier modèle pour le peuple, le faisant vivre dans une précarité permanente malgré la disponibilité des richesses naturelles extraordinaires pouvant facilement mettre le pays dans la même trajectoire que les pays du nord de la Méditerranée. Pour les nantis du régime, c'est la vie des dirigeants capitalistes des grandes entreprises qui est choisie. Un tel choix nous oblige à affirmer avec conviction que les gouvernants ne veulent pas le bien-être de la population algérienne, sinon quelle explication pouvons-nous donner à la ghettoïsation des Algériens dans des cages à vivre, alors qu’on pouvait mieux faire en manque flagrant d’infrastructures de base pour un cadre vie humain. Ceci révèle que nos gouvernants sont à la recherche de sujets à gouverner, pas des concitoyens libres et émancipés avec lesquels ils peuvent cohabiter et gouverner. C’est ainsi que le non-respect des engagements politiques et socioéconomiques envers la population, le mensonge en plus du verrouillage de la scène sociologique sont devenus les assises fondamentales sur lesquelles le régime s'est appuyé pour gouverner, sans parler de la répression des opposants. Au sens politique, le régime n’a jamais voulu démarrer pour lancer une dynamique économique au sein de laquelle la population est engagée pour le remplacement de la rente pétrolière par une batterie de relais sociologiques du travail. Cela est sans aucun doute dû à la fausse piste dans laquelle il s’est engagé volontairement pour confisquer la parole, marginaliser les compétences, enfermer les opposants, contrôler les consciences et persécuter les honnêtes personnalités, homogénéiser la pensée et aliéner l’élite, nationaliser le privé et recomposer la scène selon les objectifs tracés par le régime tout en s’appropriant la rente. A écouter nos responsables discourir sur le niveau de vie des Algériens, on serait tenté de dire que celui-ci équivaut ou, mieux encore, dépasse celui des êtres humains européens. Cela est vrai, à condition de mesurer le niveau des Algériens qui habitent les bunkers de Club des pins et autres résidences hautement sécurisées du Nord et du littoral. A ce jour, des milliers d’Algériens n’ont pas de toit convenable pour s'abriter des pluies et chaleurs, pas de robinets installés dans les cuisines et les salles de bains, pas d’interrupteurs pour allumer une lampe, pas de bus pour prendre leurs enfants à l’école qui se trouve à des dizaines de kilomètres, pas de routes asphaltées, pas une polyclinique pour vacciner les nouveaux-nés, des milliers de malades n’arrivent pas à trouver le médicament nécessaire pour traiter leurs maladies chroniques dans un pays aux compétences irréprochables ailleurs. Des centaines sont condamnés à une mort lente pour absence d'infrastructures adaptées à la maladie. Des milliers de “fils de pauvre” vont à l’école sans avoir mangé le matin, et font le trajet à pied, pendant les quatre saisons, vers un préfabriqué faisant office d’école. C’est le même chemin emprunté par leurs frères aînés juste après l’indépendance qui est parcouru par les petits en 2014. Parfois, rien n'a changé dans les bourgs de l'Algérie profonde. 

    L’Algérie se construit sans démocratie 

    Galvanisé par la légitimité révolutionnaire, le régime s'appropria la pensée économique, culturelle, industrielle, éducative ; en un mot la pensée sociologique en procédant à la reproduction d'une élite qui refuse de s'adapter aux besoins de la population tout en la réduisant à une mécanique de survie à la recherche de son pain quotidien. Il était évident et clair pour les spécialistes que l’Algérie allait entamer sa construction sociologique (politique, économique, agricole, sociale, éducative, culturelle, etc.) loin de la démocratie et de la tolérance des autres courants opposés à la vision idéologique du nouveau régime conquérant le pouvoir. Les groupes d’opposition postindépendance seront soumis à une véritable chasse sans merci et des représailles de toutes sortes. La gestion du pays s’est faite dans un environnement conflictuel depuis l’indépendance, caractérisé par des rivalités entre les groupes idéologiques. Miné par des conflits fratricides, le régime en place n’a jamais connu de stabilité intérieure ni de réussite économique, puisque toutes les applications idéologiques n’ont pas donné de résultats palpables pour être admis dans le cercle des nations développées, car menées par une élite aliénée sans qualification intellectuelle dans la majorité des cas. C'est ainsi que la hiérarchie intellectuelle n’a jamais été respectée en Algérie post-indépendante. L’élite algérienne a été sous contrôle politico-idéologique total, soumise aux harcèlements du régime et de ses associations de masse. Le régime dominant a marginalisé toutes les compétences par l’effet miracle du fameux article 120. Depuis l’indépendance, l’Algérie n’a pas pris de faux départ par rapport aux principes de la démocratie, elle n’a jamais démarré. Sur le plan idéologique, elle n’a jamais été socialiste, ni communiste, ni libérale, ni capitaliste, ni laïque, ni islamique. Le régime algérien a travaillé l’Algérie pour se l’approprier et exploiter ses ressources en aparté, loin de l’autorité des pouvoirs législatif et juridique. La génération populaire post-indépendante a été embarquée dans un discours patriotique qui a donné naissance à une caste politique despotique. La matière grise algérienne est bien prise en charge dans les pays étrangers, mais elle est négligée, marginalisée et méprisée d’avoir étudié et d’avoir l’ambition de travailler pour l’Algérie. La déchéance du pays est encouragée par le régionalisme et le favoritisme. Jamais l’Algérie n’a connu de tel constat sociologique avec des dossiers très lourds en matière de vol, de pillage et de corruption, car la nouvelle sociologie de la gestion des affaires du pays donne le droit de l’usufruit du poste occupé. 

    L’ouverture de 1988 : restructuration de l’autoritarisme 

    L’Algérie a raté le grand virage démocratique en 1988. Les raisons sont multiples, notamment la confluence des intérêts des groupes de pression et des différents lobbys qui commençaient à prendre forme dans le sillage du pouvoir. Le premier noyau des personnalités influentes sur la politique s’installent dans le périphérique financier du pouvoir avec les fameuses réformes économiques qui déchargeaient le pouvoir de sa responsabilité socioéconomique. Est-il possible de comprendre comment des entreprises qui nourrissaient, transportaient, habillaient, et, et… plus de 25 millions d'Algériens puissent être liquidées pour faillite économique, sans connaître la destination du patrimoine de ces entreprises par la majorité du peuple. De nouvelles fortunes sont apparues sur la scène comme par miracle, alors que le pays venait juste de sortir de deux périodes dramatiques et de surcroît opposées à l’essence du capital privé : i.e. la période dite “socialiste” (le tout-Etat) et la décennie noire du terrorisme (le tout-feu). Presque toutes les entreprises nationales dissoutes se sont reconstruites sous un sigle privé, dans une anarchie totale, et elles fonctionnement toutes de manière efficiente à présent.

    Cette situation paradoxale a enfanté des monstres économiques et une nouvelle race de riches sans éducation ni culture économique qui suppose l’assimilation de plusieurs notions sociologiques, notamment celle du service public. Brisé par les violentes émeutes du mois d’octobre, le régime dans un sursaut idéologique accoucha de réformes temporaires avec une ouverture médiatique pour colmater les brèches de l’onde de choc du mois d’octobre 88. Le parti en place et son régime hermétique et autoritaire mais intelligent finiront par mettre les assises d’une nouvelle forme d’aliénation, dans laquelle beaucoup de partisans de l’opposition sont tombés pieds et mains ligotés. C’est ainsi qu’ils participèrent à amadouer la conscience collective des Algériens en adhérant à un multipartisme de façade, puisque les mécanismes du pouvoir n’ont jamais quitté le laboratoire politique du régime, sa grande capacité à absorber la colère de la société. Pris de vitesse par le feu, le sang et la colère d’octobre 88, le FLN a “procréé” des dizaines de partis satellites ayant pour mission sous-tendue de concourir à apaiser les revendications sociales, économiques et politiques par “le vidange de la parole” sans plus, puisque depuis octobre 88, l’Algérie n’a pas changé à ce jour. Un capitalisme outrancier pour les institutions étatiques et ses dirigeants et un régime d’austérité atroce et draconien pour les Algériens qui souffrent à ce jour pour trouver un sachet de lait ou une baguette de pain à leur convenance, instituant une précarité collective au peuple. En brouillant les revendications populaires dans une philosophie de multipartisme, le régime s’est offert une nouvelle vie dans un long processus de contrôle autoritaire et de monitoring de la société par les partis-écrans de la nouvelle période transitoire. Mettant en stand-by la légitimité révolutionnaire et historique du FLN, le régime vit en concubin avec le nouveau parti (RND) qui a été propulsé sur le devant de la scène par des scores fleuves dans des élections faussées dès le départ, tout en faisant appel à un autre parti pour tenter une nouvelle alternative politique appelée alliance présidentielle. Une symbiose idéologique forcée et contre nature afin de contrecarrer toute opposition, puisque cette alliance détient les trois fondements de la société : la légitimité révolutionnaire, une rénovation partisane enrobée dans un discours islamiste modéré (FLN-RND-Hamas). 

    La corruption des esprits : alliance des intérêts politico-financiers 

    De slogan en slogan, les Algériens sont embarqués depuis plus de 50 ans dans un processus de cauchemars avec une mal-vie, une situation quotidienne dramatique pour la majorité, une pression politique draconienne par le maintien de la peur de revenir aux drames de la décennie noire. Si le régime est clément envers ses sujets, il fait planer la menace de la main de l’étranger, les risques de la déstabilisation du pays avec tout ce que cela peut engendrer sur l’avenir de l’Algérie. Faire peur aux Algériens ne marche plus, puisque le mur de la peur est escaladé pacifiquement chaque jour à l'approche du scrutin. C’est d’ailleurs cette même main qui fut utilisée dans les discours populistes depuis 1962, et qui est reprise en chœur par les vétérans du système ces derniers jours. Il est indéniable que les gouvernants algériens pensent toujours qu’il est possible de faire avaler la pilule de la main de l’étranger, lorsque l’Etat est incapable de mettre sur le marché un lait en sachet pour chaque Algérien en cette deuxième décennie du 21e siècle. Les systèmes en Algérie (politique, économique, éducatif, social, administratif, etc.) sont corrompus, despotiques, régionalistes, hermétiques et surtout répressifs et méprisant la population, la laissant volontiers dans la précarité et la privant du minimum qui peut garantir une vie d’un être humain, tout comme d’autres pays qui n’ont pas les moyens dont dispose l’Algérie. Cela fait plus de 50 ans que le peuple algérien espère des lendemains meilleurs, mais le prolongement de la vie politique du système après avril 2014 peut être fatal pour le pays. Paradoxalement, plus les années avancent, plus le nombre d’Algériens qui sont poussés vers la précarité augmente, et plus les horizons futurs se noircissent, les poussant à chercher l’exil au péril de leur vie, car la répartition de la richesse ne se fait pas du tout. Le régime en exercice depuis l’indépendance tient un discours composé de fragments révolutionnaires et de démagogie visant à aliéner le peuple. La possibilité de composer le développement par de nouveaux relais autres que les hydrocarbures n’a jamais été envisagée sur le terrain. La langue de bois du discours officiel est maintenue jusqu'à ce jour. C’est par le truchement de la rente que le régime a consolidé sa position populiste en distribuant l’argent du contribuable sans procéder à des évaluations des bilans économiques. Dépenser plus de 600 milliards de dollars pendant une décennie et demie sans voir de réelles retombées socioéconomiques sur le niveau de vie des Algériens doit sans aucun doute rester questionnable.

    C'est un chiffre astronomique qui devait permettre de hisser le pays au seuil des pays développés et non en voie de sous-développement. Le projet de l’autoroute Est-Ouest s’est transformé en scandale du siècle ; Sonatrach a enfanté trois scandales, sans parler des filiales telles que Broot&Condor, Sonelgaz, etc. Des personnalités politiques qui gravitent autour de l’alliance présidentielle au pouvoir sont citées dans ces scandales sans être inquiétées par la justice, alors que cette dernière s’autosaisit pour suspendre la parole qui dérange. Le système algérien qui a dominé la pratique politique en Algérie depuis son indépendance a nourri durant la dernière décennie une détermination et une rage inextinguibles chez toutes les catégories sociales rejetant le droit de la minorité d’exercer la fonction paternelle permanente sur l’avenir des générations futures. Il est impensable d’imaginer encore le sacrifice de plusieurs générations sous le joug de ce pouvoir, surtout que le monde arabe est en constante ébullition avec les drames qui sont quotidiennement recensés. L’espoir des Algériens de vivre des lendemains meilleurs que les cinq décennies passées est semble-t-il reporté au-delà de la proclamation des résultats du scrutin présidentiel, sauf si les sages du régime mettent l’oreille pour écouter les revendications pacifiques de la majorité de la population et donner un sens à la vie des Algériens qui souffrent à ce jour. Eviter à l’Algérie le feu et le sang passera sans nul doute par le respect du droit de ce grand peuple à vivre dignement et à jouir des ressources qui appartiennent à tous les Algériens, y compris les générations de nos enfants et leurs petits-enfants. Beaucoup d’Algériens sont sûrs que les actions pacifiques auront raison de ce régime pour le bien-être de tous et surtout pour le salut de l’Algérie. 

    L. Y. 

     

    (*) Chercheur

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • Djamila Boupacha  

    Djamila BOUPACHA dans la guerre de libération nationale : L’icône féminine

     

    Une jeune fille de 15 ans, d’un caractère décidé, s’est engagée dans la politique en adhérant à l’Union des Femmes de l’UDMA (Union Démocratique pour le Manifeste Algérien), un parti créé par Ferhat Abbas en mai 1946. Elle rejoint le maquis en 1955, à l’âge de 17 ans, à l’aide de son frère et d’un responsable du FLN de la Basse-Casbah. Djamila s’est mise à la disposition de la Révolution en faisant preuve d’une audace extraordinaire. Elle était et disponible pour toutes les actions et ne refusait aucune mission. Son jeune âge et son innocence la faisaient passer partout. Djamila est parvenue, par sa volonté et son courage, à devenir aide-soignante à l’hôpital de Béni-Messous, sur les hauteurs d’Alger, ou elle se procurait des médicaments au profit des maquis de la wilaya 4 dans l’Algérois. Accusée d’avoir posé une bombe, désamorcée, à la brasserie des Facultés, près de la Grande-Poste à Alger, le 27 septembre 1959, Djamila, âgée de 22 ans, est arrêtée le 10 février 1960 par l’armée française en compagnie de son père, 71 ans, de son frère, de sa sœur et de son beau-frère. Pendant un mois, elle est emprisonnée en toute illégalité dans un lieu secret ou elle est battue, torturée et violée. Sa situation de femme détenue et torturée va donner lieu à une affaire judiciaire et médiatique à l’initiative de l’avocate Giselle et de l’écrivaine Simone de Beauvoir.

    Dès la prise en charge de son affaire par l’avocate Gisèle, en mai 1960, cette dernière cherche à médiatiser son cas en faisant le procès des méthodes de guerre en Algérie. De Paris, Gisèle tente de mobiliser les intellectuels et les hommes politiques français. Après avoir écrit, en vain, à Charles de Gaulle et à André Malraux, elle pense à Simone de Beauvoir. L’auteure du « Deuxième Sexe », très engagée avec Jean-Paul Sartre dans la lutte anticoloniale, semble être la personne idéale pour médiatiser cette histoire. Les deux femmes se rencontrent le 24 mai 1960. Gisèle lui raconte avec des mots simples et percutants le calvaire de Djamila Boupacha, jeune Algérienne, membre du FLN, mise au secret pendant plus d’un mois, torturée, violée alors qu’elle était vierge et musulmane pratiquante. Simone de Beauvoir répond simplement : «Que voulez-vous que je fasse ?» Gisèle : «Que vous écriviez un article dans le quotidien Le Monde. » Dans le livre Djamila Boupacha, Gallimard de 1961, écrit avec Beauvoir, Gisèle raconte alors que cette dernière «a dit oui comme une chose qui allait sans dire».

    L’article du Monde, intitulé simplement « Pour Djamila Boupacha », paraît dans la foulée, le 2 juin 1960, et commence par ces mots : «Ce qu’il y a de plus scandaleux avec le scandale, c’est que l’on s’y habitue». S’ensuit une description minutieuse, faite par Simone de Beauvoir, de ce que Djamila a subi. Cet article eut un retentissement international. Les autorités françaises sont submergées et assommées par les révélations de l’article, aussi bien a Alger qu’à Paris. Le premier ministre Français Michel Debré fait saisir le journal « Le Monde » en Algérie. C’est cet article qui est à l’origine, en France, de la création du Comité de défense pour Djamila Boupacha en juin 1960. Présidé par Simone de Beauvoir, ce comité de soutien compte aussi des personnalités de premier plan et des noms prestigieux comme Aragon, Elsa Triolet, Jean-Paul Sartre, Germaine de Gaulle, Jean Amrouche, Aimé Césaire, Édouard Glissant, René Julliard, Anise Postel-Vinay et Germaine Tillion, toutes deux anciennes résistantes et déportées à Ravensbrück lors de la seconde guerre mondiale. Grâce aux actions du comité, le tribunal d’Alger est dessaisi du dossier au profit de celui de Caen en France et Djamila est transférée, par avion militaire, à la prison de Fresnes, le 21 juillet 1960, puis à celle de Pau, de crainte que l’on abatte Djamila dans sa cellule, à la prison d’Alger, afin qu’elle ne parle pas des sévices qu’elle a subie. Pour les faits de torture, Gisèle poursuit le Ministre de la défense Pierre Mesmer ainsi que le général Charles Ailleret qui commande alors l’armée française en Algérie pour forfaiture. Djamila Boupacha comparait à Caen (France) fin juin 1961, dans un procès au cours duquel elle identifie ses tortionnaires mais au terme duquel elle est condamnée à mort le 28 juin de la même année. Sauvée de la mort, elle restera cependant en prison en France jusqu’à la signature des accords d’Évian, le 19 mars 1962.

    Dès ce moment, Djamila Boupacha s’impose comme l’une des grandes icônes féminines de la guerre d’Algérie et comme l’un des mythes nationaux de l’après indépendance. Elle est amnistiée dans le cadre des accords d’Evian, et finalement libérée le 21 avril 1962 (Ordonnance de non lieu du 7 mai 1962). Il est intéressant de noter que les officiers français qui l’ont interrogée à Alger expriment des opinions favorables à son sujet ; l’officier du sous-secteur de Bouzaréah déclare le 14 février 1960, ceci : « C’est une fille farcie de propagande, tendant au mysticisme, ne cachant pas ses idées, les exposant d’ailleurs avec une certaine noblesse d’esprit». Le commandant militaire du même secteur « l’estime, le 111 mars 1960, comme une jeune fille physiquement et moralement saine, qui a témoigné d’une grande noblesse d’esprit et de beaucoup d’honnêteté dans ses déclarations ». Quant au commandant du secteur d’Alger-Sahel, il note, le 3 juin 1960, «qu’elle est fortement imprégnée de propagande, rebelle avec une tendance au mysticisme, franche et exprimant ses idées avec courage ». Son histoire inspire le célèbre peintre Franco-espagnol Pablo Picasso en décembre 1961 en lui consacrant une toile de peinture, restée célèbre dans le monde artistique, et qui illustre la couverture du livre que Gisèle et Simone de Beauvoir publient en 1962 sur ce dossier intitulé «Pour Djamila». Elle est aussi peinte, la même année, par le pinceau du peintre Roberto Matta ; œuvre qu’il nomma : « Le Supplice de Djamila» ; et, en 1962, le musicien Italien Luigi Nono rend hommage à Djamila par une œuvre musicale dans une pièce de ses «Canti di Vita et d’Amore» (Chant de la vie et de l’Amour).

    Son avocate Gisele lui consacre un livre en 1962, en collaboration avec Simone de Beauvoir et des témoignages de Henri Alleg, Mme Maurice Audin, du général de Bollardière, de R. P. Chenu, du Dr Jean Dalsace, de J. Fonlupt-Esperaber, Françoise Mallet-Joris, Daniel Mayer, André Philip, J. F. Revel, Jules Roy,Françoise Sagan. Rita Maran lui consacre, en 1989, un ouvrage en Anglais, intitulé : « Torture, the role of ideology in the French-Algerian war”. En 2000, Francesca Solleville interprète Djamila composée par Bernard Joyet sur le disque « Grand frère petit frère ». en 2012, Bernard Joet reprend la chanson dans son disque « Autodidacte».

     

    *          *          *

     

    Le supplice de Djamila Boupacha

     

    Article - par Christelle Taraud dans mensuel n°371 daté janvier 2012 à la page 64 | Gratui tArrêtée et torturée en 1960,

    cette combattante du FLN est devenue l'une des icônes féminines de la guerre d'Algérie. 

    En 1974, en pleine ère Boumediene, 336 786 militants étaient recensés par le ministère des Anciens Moudjahidin. Parmi eux, 10 949 femmes, soit 3,10 % du total. Dans ce pourcentage de femmes combattantes, qui furent une minorité durant la guerre d'Algérie, les fidayates qui opéraient en contexte urbain - soit 2 % seulement du total des femmes moudjahidin - ont fortement marqué les esprits tant français qu'algériens du fait notamment de leur rôle dans la bataille d'Alger de 1957. Iconifiées par le très beau film de Gillo Pontecorvo en 1966 La Bataille d'Alger, ces dernières deviennent les symboles d'une guerre totale dans laquelle la violence imprègne toutes les catégories de la population. 

    Nationalisée et FLNisée, cette violence des femmes ne pouvait, cependant, être utile politiquement que sur le mode de l'exceptionnalité. D'où l'arrivée sur le devant de la scène de profils singuliers comme celui de Djamila Boupacha. Accusée d'avoir posé un obus piégé à la brasserie des Facultés, à Alger, le 27 septembre 1959, Djamila Boupacha est arrêtée par l'armée française, le 10 février 1960. Pendant un mois, et en toute illégalité puisqu'elle n'est officiellement emprisonnée nulle part, cette dernière est insultée, battue, torturée et violée. Réapparue « miraculeusement » en mars 1960, Djamila Boupacha va très vite incarner le caractère indicible de la guerre d'Algérie, ses dérives les plus violentes et les moins acceptables. 

    Dès la prise en charge de son « affaire » par l'avocate Gisèle Halimi, en mai 1960, cette dernière cherche à médiatiser son cas en en faisant le procès des « méthodes de guerre » en Algérie. Dès son retour à Paris, Gisèle Halimi tente donc de mobiliser les intellectuels et les hommes politiques français. Après avoir écrit en vain à Charles de Gaulle et à André Malraux, elle pense à Simone de Beauvoir. L'auteure du Deuxième Sexe, très engagée avec Jean-Paul Sartre dans la lutte anticoloniale, semble être la personne idéale pour médiatiser cette histoire. Les deux femmes se rencontrent le 24 mai 1960. Gisèle Halimi lui raconte avec des mots simples et percutants le calvaire de Djamila Boupacha, jeune Algérienne, membre du FLN, mise au secret pendant plus d'un mois, torturée, violée alors qu'elle était vierge et musulmane pratiquante... Simone de Beauvoir répond simplement : « Que voulez-vous que je fasse ? » Gisèle Halimi : « Que vous écriviez un article dans Le Monde. » 

    Dans le livre Djamila Boupacha Gallimard, 1961, écrit avec Beauvoir, Gisèle Halimi raconte alors que cette dernière « a dit oui comme une chose qui allait sans dire ». L'article du Monde, intitulé simplement « Pour Djamila Boupacha », paraît dans la foulée, le 2 juin 1960, et commence par ces mots : « Ce qu'il y a de plus scandaleux avec le scandale, c'est que l'on s'y habitue. » S'ensuit une description minutieuse, faite par Simone de Beauvoir, de ce que Djamila Boupacha a subi. A sa lecture, on comprend pourquoi cet article eut un tel retentissement. D'un point de vue pratique, c'est lui qui est à l'origine, en France, de la création du Comité de défense pour Djamila Boupacha en juin 1960. Présidé par Simone de Beauvoir, ce comité compte aussi des personnalités de premier plan et des noms prestigieux comme Aragon et Elsa Triolet, Jean-Paul Sartre et Germaine de Gaulle, Jean Amrouche et Aimé Césaire, Édouard Glissant et René Julliard, Anise Postel-Vinay et Germaine Tillion, toutes deux anciennes résistantes et déportées à Ravensbrück. 

    Grâce aux actions du comité, le tribunal d'Alger est dessaisi du dossier au profit de celui de Caen et Djamila Boupacha est transférée, par avion militaire, à la prison de Fresnes, le 21 juillet 1960, puis à celle de Pau. Sauvée de la mort, elle restera cependant en prison en France jusqu'à la signature des accords d'Évian, le 18 mars 1962. Dès ce moment pourtant, Djamila Boupacha s'impose comme l'une des grandes icônes féminines de la guerre d'Algérie et comme l'un des mythes nationaux sur lequel le pays se construira ensuite. Portraiturée par Pablo Picasso en décembre 1961, son histoire inspire aussi, la même année, le peintre Roberto Matta pour Le Supplice de Djamila et, en 1962, le musicien Luigi Nono. 

    Après la guerre, Djamila Boupacha fut, un temps, utilisée pour asseoir la légitimité symbolique et politique du régime de parti unique mis en place par le FLN ; puis elle a disparu progressivement de la scène publique comme bien d'autres femmes algériennes qui avaient pourtant participé activement à la libération de leur pays. 

    Par Christelle Taraud 

     

    *          *          *

     

    Djamila Boupacha, née le 9 février 1938 à Bologhine (anc. Saint-Eugène), est une militante du Front de libération nationale algérien arrêtée en 1960 pour une tentative d'attentat à Alger. Ses aveux – obtenus par le viol, et la torture – donnèrent lieu à un jugement transformé – à l’initiative de Gisèle Halimi et de Simone de Beauvoir – en procès médiatique des méthodes de l'armée française en Algérie. Condamnée à mort le 28 juin 1961, Djamal Boupacha fut amnistiée dans le cadre des accords d'Évian, et finalement libérée le 21 avril 1962 (ordonnance de non lieu le 7 mai 1962). 

    Fille d'Abdelaziz Ben Mohamed et d'Amarouche Zoubida Bent Mohamed, cette jeune musulmane et fille de militant s'engagea dans le FLN sous le nom de guerre de Khelida lors de la Guerre d'Algérie. En 1960, elle fut accusée d'avoir déposé une bombe - désamorcée - à la Brasserie des Facultés le 27 septembre 1959 à Alger2,3. Suivant Gisèle Halimi, « elle n'avait pas commis d'attentat mais était sur le point d'en commettre un ». 

    Elle fut arrêtée le 10 février 1960 en compagnie de son père, de son frère, sa sœur Nafissa et de son beau-frère Abdellih Ahmed. Emprisonnée clandestinement (officiellement, elle ne fut pendant un mois incarcérée nulle part), elle fut violée et subit pendant plus d'un mois de nombreux sévices, infligés par des membres de l'armée française : 

    « On lui fixa des électrodes au bout des seins avec du papier collant Scotch, puis on les appliqua aux jambes, à l'aine, au sexe, sur le visage. Des coups de poing et des brûlures de cigarettes alternaient avec la torture électrique. Ensuite on suspendit Djamila par un bâton au-dessus d'une baignoire et on l'immergea à plusieurs reprises. » 

    Djamila Boupacha réapparut « miraculeusement » un mois plus tard et vit son cas pris en charge par l'avocate Gisèle Halimi en mai 1960. À la demande de cette dernière, qui souhaitait utiliser l'affaire pour dénoncer les méthodes de l'armée française en Algérie, Simone de Beauvoir rédigea une tribune dans les colonnes du journal Le Monde en date du 2 juin 1960 intitulée Pour Djamila Boupacha ; le premier ministre Michel Debré fit saisir le journal en Algérie. L'affaire Djamila Boupacha prit une ampleur médiatique et internationale importante lorsque, dans la foulée de la tribune, un Comité pour Djamila Boupacha fut créé en juin 1960, comité présidé par Simone de Beauvoir, et qui comprenait parmi ses membres Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Elsa Triolet, Gabriel Marcel, Geneviève de Gaulle, Aimé Césaire ou encore Germaine Tillion. 

    À la suite des pressions du comité de soutien qui s'était constitué pour sa défense et par l'entremise de Simone Veil, alors magistrate, le tribunal d'Alger fut dessaisi du dossier au profit de Caen et Djamila Boupacha fut transférée par avion militaire en France métropolitaine pour y être jugée ; on craignait en effet qu'elle ne soit abattue dans sa cellule pour mieux étouffer l'affaire. Elle fut placée en détention à la prison de Fresnes le 21 juillet 1960, puis à celle de Pau. Pour les faits de torture, Gisèle Halimi poursuivit le ministre de la défense Pierre Mesmer ainsi que le général Charles Ailleret, qui commandait alors l'armée française en Algérie, pour forfaiture. 

    Djamila Boupacha comparut à Caen fin juin 1961, dans un procès au cours duquel elle identifia ses tortionnaires mais au terme duquel elle fut condamnée à mort, le 28 juin. En 1962 elle fut amnistiée en application des accords d'Évian mettant fin à la guerre d’Algérie et libérée le 21 avril 1962. Réfugiée chez Gisèle Halimi, elle fut séquestrée puis transférée à Alger par la Fédération de France du FLN, qui dénonça « l'opération publicitaire tentée à des fins personnelles » par l'avocate Gisèle Halimi. Le FLN ne pouvait accepter de perdre la main sur l'arme symbolique de premier ordre que constituait la jeune militante. 

    De fait, Djamila Boupacha devint, par son martyre, un enjeu de mémoire pour les nationalistes algériens, une figure iconique de la lutte, destinée à être érigée en mythe fondateur de la nation algérienne à construire. Élevée à ce statut d'icône, elle ne devait pas cependant en sortir : du point de vue des dirigeants nationalistes algériens, la violence perpétrée et/ou subie par les femmes ne pouvait « être utile que sur le mode l'exceptionnalité ». Comme le souligne Christelle Taraud, si l'État algérien devenu indépendant utilisa dans l'immédiat après-guerre Djamila Boupacha comme un symbole « propre à asseoir la légitimité symbolique et politique du régime de parti unique mis en place par le FLN », elle fut progressivement mise de côté et disparut de la scène publique, à l'instar de nombreuses militantes nationalistes à avoir joué un rôle déterminant dans la libération de leur pays. 

    Le peintre Pablo Picasso a créé le portrait de Djamila Boupacha qui illustre la couverture du livre que Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir publient avec d'autres en 1962 sur la militante FLN. La même année, le peintre Roberto Matta réalise son Supplice de Djamila. Toujours en 1962, le musicien Luigi Nono (1924-1990) rend hommage à la jeune femme en lui consacrant une pièce vocale de ses Canti di Vita et D'amore ; d'une durée d'environ dix minutes, elle est composée pour soprano solo et intitulée Djamila Boupacha. En 2000, Francesca Solleville interprète Djamila composée par Bernard Joyet sur le disque Grand frère petit frère. En 2012, Bernard Joyet reprend la chanson dans son disque Autodidacte.

     

    *          *          *

     

    Gisel sur France Culture 

     

     

    *          *          *

    Film sur Djamila Boupacha 

    Pour Djamila 

     

     

     

     

     

     

     

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire
  •  

    LES DROITS DE L’HOMME, 

    QUESTION SECONDAIRE OU FONDAMENTALE ? 

     

     Par Sadek HADJERES 

    Article paru dans El Watan le 14 juillet 1994

     

    La tragédie algérienne va-t-elle connaître un tournant ? Les citoyens angoissés essayent d’y voir clair dans un enchevêtrement dramatique : des actes d’une violence insensée, des négociations aux rebondissements imprévisibles, des efforts de sauvetage d’une économie sinistrée, des pressions internationales en tous sens. 

    Sur cette toile de fond, poser le problème des droits de l’Homme ou celui des libertés des citoyens, est-il une diversion ou une question fondamentale par rapport à la question-clef qui domine toutes les autres : comment agir pour arrêter la spirale infernale et sortir de la crise ? 

    Dans les affrontements en cours, les atteintes aux droits de l’Homme sont quotidiennes et massives. Une grave banalisation fait que l’opinion n’en retient le plus souvent que les plus spectaculaires ou les plus porteuses de symboles. Cheïkh Bouslimani, Abdelkader Allaouia et Youssef Fathallah n’étaient pas des combattants armés. Leurs paroles et leurs actes visaient la paix civile. 

    Les citoyens qui ont défilé le 29 juin dernier à Alger s’exprimaient pacifiquement. Quoi qu’on pense de leurs opinions, les bombes meurtrières sont-elles la réponse adéquate à leur démarche ? À quelle logique humaine ou divine obéit l’assassinat de ressortissants étrangers ? Les auteurs de ces crimes accepteraient-ils que cette même logique s’applique à nos compatriotes séjournant dans des pays étrangers en crise ? 

    La violence de la hausse des prix frappe chaque jour d’innombrables bébés et vieillards dont les organismes épuisés par la malnutrition ne peuvent supporter la maladie. Mais comme si l’article 120 n’était pas enterré, on continue à vouloir réduire au silence les travailleurs et les syndicats qui revendiquent pour leurs enfants le droit à la vie et à la santé. Certains osent prétendre que c’est le chemin inévitable pour la modernisation économique. Des femmes à la dignité irréprochable sont insultées, mutilées, assassinées, on ne leur reconnaît pas la qualité d’être humain parce qu’elles ne sont pas habillées de telle ou telle façon, ne veulent pas abandonner leur profession utile au pays. 

    Jamais notre peuple n’a éprouvé autant le besoin d’être protégé par des droits civiques clairement définis et garantis. Le pire serait de banaliser la barbarie, de s’y habituer. 

    Il ne sert pourtant à rien de s’en ternir à l’indignation, encore moins aux lamentations médiatiques. À quoi mèneraient aussi les cris de vengeance des familles de radicaux ou modérés républicains ou islamistes foudroyées par le malheur ? 

    Reste le plus difficile, réfléchir sérieusement, collectivement aux solutions et aux sorties de crise, sans être des rêveurs ni accroître les divisions de clans. 

    Peut-être est-ce ainsi, seulement, que l’Algérie gagnera un peu de temps et n’attendra pas quinze ans d’horreur comme le Liban. 

    Là-bas, des groupes sociaux qui avaient sans doute des intérêts légitimes à défendre, ont cru plus efficace de le faire en s’entretuant au nom de projets de société volontaristes et hégémonistes, dans un langage politique ou religieux sacralisé. Il a bien fallu ensuite dans ce pays épuisé, harmoniser ces projets antagoniques avec les besoins de la vie courante, les aspirations profondes et communes des citoyens, les rapports de forces locaux, régionaux et internationaux, la diversité de la société et de ses rythmes d’évolution. 

    Il est vital, pour la survie de notre société, de prendre conscience de cette logique dangereuse qui transforme ces affrontements politiques, somme toute normaux pour le pouvoir, en course tragique à la destruction du tissu national. 

    Dans la propagande, chacun admet que l’Algérie est gravement malade. Dans les faits, les guérisseurs revendiquent chacun la plus grande responsabilité dans l’avenir du patient, mais ils ne sont pas d’accord sur la nature des soins à lui apporter : chacun préconise un traitement de choc, une rupture qu’il comprend à sa manière et qu’il veut réaliser immédiatement, sans préparation ni transition, seul et sans contrôle. 

    Le premier concerné, le peuple affaibli par les traitements successifs violents et contradictoires, pourra-t-il donner une opinion sur sa propre survie ? 

    Ne lui faudrait-il pas moins de chocs et plus de soins adaptés à son état pour supporter les graves opérations qu’on le somme d’engager sans délai ? Comment libérer les énergies qu’il porte en lui ? Comment prendre une saine décision au milieu de cette confusion et des intérêts inavoués ? 

    Tous ceux qui tiennent à ce que l’Algérie reste en vie, parviendront-ils à imposer une démarche de raison ? 

    Dans un climat empoisonné par les anathèmes, les procès d’intention, les manœuvres de toutes sortes, nombreux sont pourtant les citoyens qui ont vécu ou sont prêts à vivre les idéaux de l’Islam et de la démocratie d’une façon sereine et sans les opposer. Nombreux sont prêts au-delà de toute appartenance ou allégeance partisane passée ou présente, à faire de ces deux idéaux une lecture historique saine, conforme aussi bien au patriotisme de notre peuple, à son attachement à certaines valeurs respectables de notre culture et de notre société qui rejette l’injustice et l’arbitraire, qu’à l’ouverture sur des valeurs plus universelles. 

    Nombreux sont aussi ceux qui n’opposent pas leurs convictions modernistes à la soif ardente de justice sociale, de démocratie et de paix des jeunes déshérités, même lorsqu’elle est dévoyée par le désespoir. 

    C’est le cas en particulier parmi tous ceux qui ont partagé et défendu leur cause fermement, quoique de façon constructive, pendant les dures années noires où le système du parti unique les accusait de démagogie populiste et les excluait constitutionnellement de leurs droits et libertés civiques. 

    En cette période, la défense des droits de l’Homme expose à des pressions    énormes de toutes parts. 

    La folie meurtrière et des exactions voudraient se perpétuer avec la justification explicite ou implicite de la loi du Talion ou du premier agresseur : modernistes et traditionalistes se retrouvant alors dans la même sentence ravageuse : « al aïnou bil aïni wal badiou adhlam » , « œil pour œil, celui qui a commencé étant le plus coupable ». La priorité est-elle aujourd’hui, dans la pratique, de répondre à la question : qui a commencé le cycle des violences ? 

    Chacun a son opinion sur les raisons du déploiement de la violence ouverte et massive après l’interruption du processus électoral comme sur les multiples formes de violences réelles, masquées ou potentielles avant décembre 1991. Le débat sur cette question, sil parvient à une relative sérénité, sera salutaire pour nos futures institutions. 

    Mais aujourd’hui, une urgence plus grande est ressentie par notre peuple. Comment sortir de ce cycle où l’ennemi le plus redoutable est devenu la montée des haines et la confusion politique qui rendent l’avenir du pays mortellement incontrôlable ? 

    Dans ces circonstances, la question des droits de l’Homme prend une signification politique plus grande. 

    Ce n’est pas seulement une question humanitaire pour chaque famille algérienne frappée ou menacée par les deuils et les angoisses ; Il est vrai que les larmes sont aussi amères pour la mère du militant islamiste assassiné à sa sortie du camp que pour celle de l’agent de la circulation, du journaliste ou du jeune appelé du service national massacrés devant leurs familles. 

    Cette question est souvent rabaissée au rôle d’un simple instrument de propagande pour discréditer le camp adverse. On sait fort bien que les violations des droits de l’Homme et des libertés ne sont pas reconnues de la même façon par les individus ou les groupes selon que ces derniers en sont les victimes ou les auteurs. 

    S’il en est ainsi, c’est parce que l’attitude envers les droits de l’Homme (individus ou collectivités) révèle de plus en plus à l’opinion jusqu’à quel point les porteurs de projets de société se conforment ou non, par leurs actes, aux valeurs morales de justice et de dignité humaine qu’ils proclament. 

    Mieux que des discours, elle montre à tous ce que chacun est prêt à faire s’il dispose du pouvoir. 

    Du même coup, cela ouvre aussi un champ de recomposition politique sur des bases plus salutaires à toute la société. Quand les uns accusent les autres de violation de ces droits et valeurs, y a-t-il meilleure preuve d’attachement à ces droits, pour tous, que d’œuvrer ensemble à dégager le pays de la spirale de la violence ? 

    Y aurait-il tâche plus noble que de guider ce pays vers une transition dont la fonction principale serait d’établir les règles formelles et informelles qui lui éviteront des tragédies aussi douloureuses et coûteuses ? 

    Mais n’est-ce pas faire preuve de naïveté que de croire à un quelconque respect des droits de l’Homme quand l’engrenage meurtrier de la violence s’est enclenché ? D’aucuns disent : comment parler de droits de l’Homme quand le droit à la vie est lui-même mis en cause ? 

    Il s’agit précisément de défendre ce droit à la vie comme le premier et suprême des droits de l’Homme. Sa violation est la forme extrême de privation de tous les autres droits et libertés. 

    La politique et l’humanisme se rejoignent quand il s’agit d’unir et de mobiliser tous les citoyens et croyants qui estiment qu’aucun être humain n’a le droit de se substituer à Dieu, à la nature ou à toute la société pour décider d’ôter la vie à un autre humain. 

    Nul ne peut s’octroyer le droit de juger la ferveur de la foi et des convictions intimes de ses concitoyens ou monopoliser par la violence la gestion de leurs affaires personnelles, familiales et publiques. 

    Le droit d’inspiration divine comme le droit d’inspiration républicaine se donne comme finalité théorique de protéger la dignité de l’être humain. 

    N’est-ce pas là une chance unique de coopération pour tous ceux qui invoquent sincèrement l’un ou l’autre de ces droits ou les deux à la fois ? 

    Ce n’est pas une tâche facile de proposer à ceux qui sont engagés dans des conflits de pouvoir et d’intérêts, des passerelles de bon sens qui renvoient à la sauvegarde des intérêts majeurs de toute la société. Mais les fondements d’une telle démarche existent dans les aspirations et les besoins profonds de la société à différents niveaux. Toute force politique qui n’en tient pas compte s’expose à voir rétrécir sa base sociale, même si dans les débuts, sa démarche étroite paraît lui apporter quelque avantage. 

    L’une des raisons pour lesquelles les démocrates de toutes sensibilités idéologiques (nationale, islamique, sociale ou culturelle) n’ont pas pu reconstituer un pôle politique autonome suffisamment influent et crédible dans le pays c’est que, souvent, ils ont enfermé leurs différents projets démocratiques dans des objectifs et des horizons partisans étroits. Ils les ont subordonnés au triomphe préalable de leur projet de société. Mais ces projets partisans, aussi fondés soient-ils, restent l’expression d’un groupe social ou d’opinion. Cela est tout à fait normal et légitime. Mais ils ne peuvent jouer un rôle de programme et de norme pour toute la société, ne deviennent crédibles et mobilisateurs que s’ils sont devenus à l’émanation de cette société, c’est-à-dire, le résultat de sa maturation sociale et politique de son travail, de ses luttes, de ses choix affirmés. 

    L’idéal est que cela se fasse dans des conditions, avec des institutions, des règles de fonctionnement et des mécanismes de décisions les plus démocratiques possible. C’est cela l’enjeu immédiat de la transition, des débats publics ou des obscures tractations actuelles. 

    Les courants démocratiques qui ignoreraient cet enjeu ou le sous-estimeraient, seraient exposés au risque de voir les mots d’ordre de voie pacifique, de dialogue, de consensus national pris en charge, utilisés et déformés à des fins d’intérêts étroits par les courants les moins démocratiques et les moins acquis au progrès social. 

    Il est temps que notre peuple dépasse le tragique dialogue de sourds et les pressions opposées dont il a fait les frais jusqu’ici. 

    Qu’il ne se laisse pas enfermer dans le dilemme des extrêmes suivants : dénier à l’Etat le devoir d’assurer la sécurité des personnes et des biens ou, au contraire, refuser à l’Etat le devoir d’initier des voies politiques pacifiques pour rétablir une vie constitutionnelle normale et démocratique. 

    Les deux volets sont inséparables dans toute démarche qui voudrait ouvrir la voie à un projet de société constructif. 

    Cette démarche n’est pas celle de la facilité. Elle exige la mobilisation des plus grandes ressources politiques, sociales et morales de la société, au lieu de s’en remettre à la seule loi des armes, parfois inévitable mais si fragile, si trompeuse et surtout si destructrice par elle seule. 

    Tous les intérêts économiques et de pouvoir, tous les courants de pensée sont acculés par les événements à se prononcer : notre pays doit-il vivre selon des règles connues et acceptées de tous, ou doit-il être livré à l’arbitraire du plus fort ou du plus riche spéculateur ? 

    Qui dit règle du jeu et Etat de droit dit qu’il faut définir et respecter un minimum d’intérêts communs et de discipline commune. Doit-on considérer nos différences comme des antagonismes au nom desquels il faut continuer à s’entretuer, ou des complémentarités qu’il faut gérer ensemble (aussi difficile que cela soit) pour bâtir notre maison Algérie, car nous n’en avons pas d’autre ? 

    Chaque courant, aussi important soit-il dans notre société, ne détient qu’une des clefs des nombreuses serrures qui ferment la porte de notre avenir. La porte ne s’ouvrira qu’avec les clefs et la volonté de tous. 

    Doit-on épuiser l’Algérie par une logique qui ne laisse pas de choix aux adversaires politiques que la capitulation ou l’extermination ? N’est-il pas urgent d’amorcer une autre logique, celle de l’assainissement de la société et de l’Etat, celle de la construction et de la réforme de l’économie et des autres activités du pays ? 

    Pourquoi ne pas édifier la souveraineté populaire sur des mécanismes nouveaux, de façon que son expression électorale ne mette pas en danger la paix civile ? 

    Autrement dit, gagner la confiance des citoyens dans le système à venir, en protégeant les droits des administrés et des minorités du moment contre l’arbitraire des majorités et des pouvoirs en places ? Il appartiendrait à l’armée et aux forces politiques représentatives de la société civile de garantir conjointement ces mécanismes, notamment l’application de lois qui permettent le fonctionnement constructif de contre-pouvoirs influents dans les institutions et la société. 

    Notre peuple, ses militants, ses hommes politiques de toutes les mouvances idéologiques sont-ils prêts à assumer cette démarche d’avenir ? 

    Dans le désastre des violences actuelles, les parties directement affrontées se jettent à la face l’accusation de totalitarisme. Quelle est la meilleure façon d’opérer les clarifications souhaitables et de mettre au pied du mur tous ceux qui refusent la tyrannie et le« taghoutisme » ? Quel meilleur barrage dresser contre le totalitarisme de quelque nature qu’il soit et le déferlement des haines ? Comment faire converger vers les mêmes objectifs salvateurs, la sincérité de la foi religieuse et des convictions démocratiques de tous ceux qui, ces dernières années, que ce soit dans les affrontements armés ou les manifestations pacifiques, se sont dit au service de choix concrets de libertés politiques et de justice sociale ? 

    Chacun dans son langage et son mode de pensée appelle ses concitoyens à « promouvoir le bien et se détourner du mal ». 

    Parviendront-ils dans les faits à mobiliser, par-delà les frontières d’exclusion idéologique, tous ceux qui souhaitent pour l’immédiat : 

    •              la paix civile, le refus de la violence comme moyen de règlement des problèmes, 
    •              le respect de tous les droits de l’Homme et du citoyen et des libertés démocratiques élémentaires, 
    •             la recherche de solutions politiques, de mécanismes consensuels de transition et d’un climat culturel de tolérance. Quels que soient les développements des semaines et mois à venir, tout laisse à penser que ce sera une œuvre difficile de longue haleine. Mais c’est une œuvre vitale. Seules la destruction et la haine sont faciles.

     

     

    Sadek HADJERES 

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • Fatiha Nesrine

     

     La Baie aux jeunes filles Editeur : L'Harmattan 

    Collection : ECRITURES ARABES 

    Date de Parution : 01/10/2000 

     

      

    LA DEDICACE DE L'AUTEUR : 

    C'est l'histoire d'une petite fille qui se cogne aux murs parce qu'elle veut tout comprendre. Ainsi, quand son père lui interdit d'aller à l'école, elle est bien triste d'être séparée de ses camarades de jeux mais surtout perturbée par une décision que rien ne justifie. Plus fort que cette exclusion, la souffrance de sa mère la bouleverse. 

    Cette dernière décide courageusement de l'inscrire en secret. Mère et fille apprennent à vivre avec la peur. Heureusement que la petite fille vit sur une île enchantée, au cœur de l'Algérie en guerre. Regarder le soleil embraser la mer, tomber au détour d'un chemin sur un figuier " vieux comme la Méditerranée ", " solitaire, démesuré ", croiser Ahmed Le Fou qui fait pousser des amandiers entre ciel et terre, écouter Fatima parler du géant " plein de rires intérieurs ", la petite fille capte tout ce qui palpite autour d'elle. 

    Et puis il y a la baie ! C'est un espace réservé aux femmes, le seul lieu extérieur autorisé où elles se baignent en toute liberté, boivent à la source réputée guérir de tous les maux et s'en reviennent enchantées. Cette source, c'est la poésie. 

    Fatiha Nesrine

    _______________ 

    Commentaire : Quant la tête demeure « l’unique espace de liberté »  

     

    « Moi, je ne parle pas », confie la fillette.

     

     « Quand ma mère me mit au monde - j’avais été patiente – l’accoucheuse conseilla de m’emmailloter avec la corde de l’âne bâté (…) Quand au pourquoi, je suppose qu’une corde de mulet apprend la docilité aux plus rebelles. »

     

    Co-auteur de plusieurs manuels scolaires et ce, jusqu’à sa retraite (2002), Fatiha Nesrine nous a offert La Baie aux jeunes filles, il y a de cela cinq ans. Roman, récit, poésies en cascades éternelles, conte, fable ? « Inclassable », dit le critique littéraire, le vrai! Est-ce pour cela qu’on en a presque pas parlé chez nous ici ?

     

    A peine la première lecture terminée, on a vite envie d’y replonger pour le mystère, la saveur des mots, l’odeur des fleurs, la lumière prisonnière d’un soleil marin, le silence des « Gens de la cité » qui dorment dans ce « bienheureux cimetière », seul espace de réelle liberté qui fait face à la Baie aux Jeunes Filles, plage « (…) réservée aux femmes (et donc fermée aux hommes) dès la puberté. » Relire pour s’engager dans ce dédale faits de murs auxquels on s’adosse, on se colle, on s’accroche, on s’agrippe, on se réchauffe… et contre lequel on se tasse pour ne pas remuer, pour s’engourdir « comme le filet d’eau surpris par le froid sous le rocher,… » D’ailleurs, vous ne pouvez échapper à cet espace pris entre collines et mer comme ces femmes emmurées dans le silence de la « bête » soumission à l’autre, de celui qui d’un regard, en levant simplement les yeux, vous transperce et vous fige en « statut du péché ».

     

    Les murs sont ici, là, ailleurs, partout. Hauts et courts, épais ou minces, lisses ou grumeleux, glacials ou brûlants, hideux ou merveilleux… Il y en a même qui portent des barbelés en chapeau. Véritables obstacles à l’amour, à l’école, au jardin publique que les Colons protègent contre ces Indigènes qui gênent. C’est le mur de la parole interdite, du geste mesuré, du regard freiné. D’ailleurs, « Une muraille invisible semble envelopper le quartier. » Et pourtant, les murs « résonnent des coups donnés, (…) Ils doivent tous se parler. »

     

    La mer et le cimetière, seuls lieux où les femmes retrouvent leur liberté, la vraie, celle qui offre à la tête le véritable espace de l’Humanité. On salue d’abord « Les gens de la Cité » qui dorment du sommeil éternel, avant de rejoindre la Baie aux Jeunes Filles, lieu de liberté… imposé. 

    Et puis, il y a le Géant que raconte Fatima, l’unique sœur et non mariée de Ahmed le fou. Mais qui est donc ce géant ? Fatha Nesrine veut bien en faire un mystère, une véritable charade.
     

    « Et le géant ? Le vrai. (…) Et le géant n’est pas l’olivier.

     
    Alors, un rocher ? Un rai de lumière concentrée ?


    Une paupière, voûte ouverte, printemps de l’amandier, piège vert, blanc, irisé, halo de senteurs, efuge des nuits d’été ?

     

     Des nuits d’été ?

     (…) 
    Une onomatopie ?

    onomatopée ?

    Une harmonie de sons ?

     harmonie de sons ?

     La véhémence de l’été ?

    (…) 
    Le géant est peut-être un arbre. Le géant est sans doute la fois d’après, celle qui ne recommencera pas… 
    Un voilier accostant sans écueil ?

    Une baie où se reposer ?

    (…)

     Sur le rivage, le géant s’est ensablé…

     le rivage, le géant s’est ensablé…

    Sur le chemin, un figuier,

    Vieux comme la Méditerranée (…) Donnent des œufs bleus, tendres… » 

    Et, au moment même où l’on croit deviner, l’auteur nous renvoie à la question :

     « Qui est le géant ?


    Personne ne le connaît. Moi, les femmes me l’ont raconté. Il y a longtemps.»
     

     

    Moi, je crois avoir deviné. Mur protecteur et obstacle infranchissable, bon et effrayant géant qui, signifiant haut et fort son incontournable présence dans le silence qui tue, réduisant l’espace de liberté à cet espace qu’aucun interdit, qu’aucune loi humaine ne réussira jamais à violer : l’esprit. N’est-ce pas ce mur obstiné, ce géant qu’on ne peut approcher même quand il sommeille, qui refuse la scolarité de sa fille ? Et la fillette de se demander si elle apprendra à tuer le temps comme sa mère, des jours, des mois, des années, si elle devra apprendre à « S’abîmer en prières muettes pour des jours meilleurs ? » L’enfant qui a patienté avant même de naître patientera encore et encore jusqu’au jour où la mère décide de l’envoyer à l’école… en secret. 

     

    Commence alors un véritable et douloureux jeu de cache-cache avec le mur géant.

     

    Najia Abeer, le 21 juin 2005

    _______________

     

    Cet été, c’est la normalienne Fatiha Souiki qui fait la une de l’été colliote. Native de la cité préinsulaire un certain 17 février 1950, Fatiha a signé sous le pseudonyme de Nesrine un pamphlet de 143 pages qui raconte la vie de l’écrivain l’année de sa scolarisation. Avènement cultuel diront les uns.  

    Non, répliqueront les autres, notamment les Colliotes qui sont contraints, cette année, de compter sur les doigts d’une seule main les évènements positifs qui marquent l’actuelle saison estivale. C’est pourquoi La baie aux jeunes filles est plus qu’une œuvre littéraire… un phénomène social.  

    Bien que l’évènement n’est raconté qu’une ou deux fois, le lecteur découvre Collo durant les années de la guerre de libération. Un pays pauvre où la guerre a rendu le train de vie encore plus difficile. Il découvre aussi la condition de la femme à travers la mère de Fatiha, son amie de quartier Z’bida, ainsi que Fatima la sœur du fou du village, le célèbre Ahmed El Ghoul. Cloîtrée à l’intérieur des murs de leurs demeures et du quartier du Jarda, les femmes sont les véritables maîtres des lieux. La mère de Fatiha, épaulée par sa grand-mère, ne réussit-elle pas à élever un étage dans la maison à l’insu du père, feu ammi Ahcène, pourtant très actif, ayant été l’un des précurseurs du mouvement scout local ? 

    Fatiha raconte avec précision la fête locale aujourd’hui délaissée qu’est la “zerda” de Sidi Achour à laquelle sa famille, issue de la tribu des Achach, y participe activement. Elle raconte, aussi, “la descente” des femmes vers leur plage, La baie des jeunes filles. À travers cette œuvre, on découvre qu’il s’agit plus que d’une virée vers une plage réservée aux femmes mais de toute une tradition faite de croyances et de rituels scrupuleusement respectés et transmis de génération en génération.  

    Si Ahmed El Ghoul a réellement existé à travers les récits de Ftima, la sœur de ce dernier. l’écrivain fait redécouvrir aux colliotes les anciennes “hjaiate” sur El Ghoul qui auraient vécu à Collo dans l’ancien temps comme celles des “sbaâ djenoun” reconnaissables aux traits de leurs mains et que les anciens semblaient croiser le jour du marché.  

    En fait, à travers l’histoire de Fatiha, c’est une partie de la mémoire collective de la cité qui est racontée. Toutefois, il est difficile de classer l’œuvre. Comme dans La confession dans les collines de Angelo Ronaldi, on retrouve chez Souiki quand elle parle du mur un certain goût pour les phrases complexes. Ces dernières deviennent simples quand elle se mettent à l’art du portait des ses personnages auxquels elle ne fait pas vivre des évènements exceptionnels mais les expose juste au “zoom de son objectif”. Et là, elle est tantôt complaisante quand elle évoque la mère et tantôt sévère quand elle parle de Z’bida.  

    Alors, La baie aux jeunes filles est-elle un livre ou un roman ? Disons un livre intime de Collo des années 1950. 

    Mourad Kezzar - Liberté.

    _______________

    "Sur une presqu'île où mer et végétation rivalisent de beauté, une petite fille égrène sa tristesse. Elle n'ira pas à l'école parce que son père le lui a interdit. Va-t-elle partager le sort subi par de nombreuses générations de femmes dont sa mère, sa grand-mère et bien d'autres encore ? Sa mère s'y refuse et l'inscrit dans le plus grand secret. Heureusement que la presqu'île de Collo est une terre enchantée...’ 

    Aucune histoire n'est totalement banale. Et à supposer même qu'elle le soit, le talent est là pour supplanter et pallier le manque d'originalité. Fatiha Nesrine, l'auteur de l'ouvrage, raconte l'histoire simple (et non simpliste) d'une enfant qu'un père qui fait du patriarcat un privilège d'exception ou une espèce de clause léonine et qui, fort donc de ce statut, s'arroge ce droit quasi régalien de priver sa petite fille des bancs ô combien pourtant salutaires de l'école.  

    En fait, la question bien que fondamentale, si on ose dire, n'est qu'un prétexte pour fustiger tous ces tabous qui ont étouffé et brisé bien des vocations. Et cette normalienne de Fatiha qui a peut-être subi les mêmes avatars - il y a toujours un je quelque part dans le rapport à l'écrit -, Fatiha donc se projette dans les faits à travers l'itinéraire mouvementé et chahuté de la jeune potache.  

    Heureusement que l'histoire se termine par un happy end et que le livre qui aligne et affiche au compteur pas moins de 164 pages sonnantes et foin trébuchantes pleines de poésie au demeurant, se laisse lire et atténue la violence de la thématique centrale développée. Ce qui aiguise davantage la curiosité du lecteur aspiré par la fluidité du style et la candeur toute juvénile de la petite héroïne.  

    Quant au reste, le lecteur reconnaît toujours les siens…  

    A. ZENTAR - El Moudjahid. 21 avril 2002

     

    Entretien avec Fatiha Nesrine

    Sur EVE (Enfance Violence et Exil)

    Témoignages des écrivain-e-s

    Fatiha Nesrine est née le 17 février 1950 en Algérie. Elève à l'Ecole Normale d'Institutrices puis à l'Ecole Normale Supérieure, elle a formé des enseignants dans les Instituts Technologiques de l'Education avant d'être co-auteure de manuels scolaires de Français à l'Institut Pédagogique National à Alger. Chercheuse à l'Institut de Recherche en Education, elle est actuellement à la retraite. Elle a fait son entrée dans la littérature par la publication d'un roman intitulé La baie aux jeunes filles, édité par L'Harmattan à Paris puis réédité par Thala Editions à Alger. Un recueil de nouvelles inédites a fait l'objet de lectures au Salon International du Livre d'Alger en octobre 2009. Elle a également donné des conférences lors de colloques et manifestations littéraires ("Voix plurielles" au Palais de la Culture en décembre 2006, " Parole et silence" au colloque sur L'Ecrivaine arabe à la Bibliothèque Nationale en novembre 2007...) Elle fait connaître la littérature algérienne à l'occasion de rencontres qu'elle anime, en particulier celles portant sur les ouvrages de Najia Abeer, Djamel Mati et M'hammed B. Larbi, ainsi qu'à travers des articles publiés dans les revues Passerelles et L'ivrescq. Entretien réalisé par Max Vega-Ritter à Clermont-Ferrand le 19 mai 2010. 

     

    Lien pour voir la vidéo de l’entretien EVE

    http://www.enfance-violence-exil.net/index.php/eve/swf/it/13/1531

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire
  • Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • Arrêt des élections de 1991 : objectifs et effets sur l'opposition algérienne

    En décembre 1991 se sont tenues les premières vraies élections dans l’Algérie post-indépendante. 

    Arrêt des élections de 1991 : objectifs et effets sur l'opposition algérienne   Les résultats ont surpris le monde entier : le FIS, un parti politique né des événements d’octobre 88, donc un bébé [1] par rapport aux partis comme le FLN et le FFS, les a remportées avec une majorité écrasante dès le premier tour déjà ! Le deuxième tour n’aura pas lieu ; une alliance issue du régime et de certains partis d’opposition a arrêté le processus le 11 janvier 1992 sous prétexte de vouloir sauver la république. Cette suspension définitive est par contre considérée par le parti gagnant et certains autres opposants comme un coup d’état. La suite est connue. 

    Questions : quels sont les objectifs réels derrière l’interruption du processus électoral ? Qui a raison : les "Janvieristes" [2] qui ont arrêté les élections, ou ceux qui ont appelé à aller au deuxième tour et à respecter coûte que coûte les résultats finaux du scrutin ? Et enfin que doivent faire les Algériens pour se débarrasser de ce système mafieux qui a érigé la terreur, la manipulation et la division en mode de gouvernance ? 

    Avant de répondre à ces questions, commençons par une analyse des conditions qui ont aidé un parti islamiste, qui montrait déjà des signes d’intégrisme, à rafler les voix des Algériens. Il y a certainement plusieurs facteurs, en corrélation ou pas, qui ont permis au FIS de se lancer sur la scène politique algérienne, de s’accaparer en un temps record des espaces d’expression, et de séduire une frange assez large de la société algérienne [3]. Tout d’abord, il y a cette volonté-là du régime militaire algérien de faire des islamistes un barrage à l’avancée démocratique menée depuis 1963 déjà par les berbéristes. L’activisme islamiste se limite à ses débuts aux universités et ce n’est pas un pur hasard ; c’est en fait de là que se ressourcent les mouvements berbéristes qui n’hésitent pas, par occasion, à sortir dans la rue. La SM [4] du régime a cultivé en les islamistes une telle haine envers les berbéristes qu’une première victime, un Kabyle nommé Kamel Amzal [5], est tombée à l’Université de Ben Aknoun. Depuis, le conflit entre les berbéristes, que la propagande du pouvoir décrit comme séparatistes et ennemis de l’islam et de l’arabe, et les islamistes qu’on a incités à défendre ces soi-disant constantes nationales, ne cesse de s’aggraver, parvenant même à affaiblir les berbéristes, qui doivent alors se battre sur deux fronts, ce qui a garanti au régime mafieux la protection contre le changement jusqu’à octobre 1988. 

    À partir de cette date, un vent de changement a déjà commencé à souffler sur le bloc socialiste menaçant d’écroulement pas mal de systèmes totalitaires. Le régime algérien devrait alors trouver une issue pour sortir indemne. Fort de ses experts en matière de tromperie et de manipulation des masses, il engage le pays dans des réformes dignes de celles-là qui ne s’observent que dans de grandes démocraties du monde. Ouverture de radios et de télévision publiques aux opposants ; création de journaux dits privés ; création de multiples associations à caractère politique ou social, etc. Mais dans tout cela, il y a un élément clé sur lequel le pouvoir mafieux compte pour assurer sa survie, et c’est un élément qui n’a suscité aucun doute chez les Algériens, pas même au sein de nos politiciens et intellectuels, malgré le fait que la constitution est claire à ce sujet : c’est la création d’un parti officiellement islamiste, le FIS, à côté d’un autre qui renvoie implicitement aux mouvements berbéristes, le RCD. Une bombe à retardement, qui détruira ensuite le rêve d’une Algérie démocratique, est ainsi mise au point. 

    En décembre 1991, on annonce enfin la tenue des élections. Pendant toute la durée de la campagne électorale, l’ENTV, l’organe officiel du régime algérien, multiplie les confrontations entre les partis islamistes et les partis laïcs. Mais les débats qui suscitent plus d’intérêts et qui bénéficient de plus de médiatisation, et ce n’est pas pour rien, sont ceux-là qui opposent le leader du FIS, Abassi Madani, au leader du RCD, Said Sadi. Connaissant l’attachement aveugle des Algériens à l’islam, le régime machiavélique tente de discréditer, à travers les réactions et les déclarations du RCD, tout le pôle démocratique [6]. Il a réussi à merveille, comme le montreront après les résultats du premier tour. Ainsi donc, le premier objectif préélectoral est atteint. Reste maintenant à affaiblir l’autre concurrent, le FIS, qui a jusque-là bénéficié de la "négligence intentionnelle" du régime pour le besoin de noyer les démocrates. Pour atteindre ce deuxième objectif, le régime usera de toute sorte de propagande et de manipulation. Ainsi, encouragés en plus par le cadeau qui leur a été fait aux élections municipales de juin 1990 [7], les islamistes du FIS multiplient les déclarations publiques dans lesquelles ils révèleront les changements radicaux, en quelque sorte les horreurs, qu’ils feraient subir à la société algérienne s’ils accédaient au pouvoir. Cette période a connu même des cas de violence envers les femmes non voilées, les fumeurs, etc. Les "moukhabarates" ont finalement rapporté à leurs maîtres l’heureuse et rassurante information selon laquelle le peuple algérien ne votera jamais pour de tels monstres, i.e. les islamistes. 

    Ainsi donc, rassuré d’un côté par ses services secrets quant à l’incapacité des islamistes à peser lourd au scrutin, et réconforté d’un autre côté par sa large base constituée de ce qu’on appelle "la famille révolutionnaire" et ses satellites [8], le régime algérien organise les premières vraies élections de l’histoire algérienne dans l’espoir non pas de provoquer un changement du système bien entendu, mais afin de pérenniser sa présence au sommet du pays en toute légalité. Les résultats officiels du scrutin ont été un grand choc aussi bien pour le régime que pour les démocrates. Les calculs se sont avérés faux. Il faut agir vite et surtout pas seul. 

    La hiérarchie militaire, soutenue par des éléments de l’opposition "ultra-laïque", dont le RCD, se réunit d’urgence et décide d’arrêter le processus électoral. Cette décision a été justifiée par le souci des démocrates de préserver le caractère républicain de l’État algérien menacé par les islamistes. L’Occident, notamment les pays de la rive nord de la Méditerranée qui sont horrifiés par l’idée d’un Etat théocratique à leurs portes, saluent la décision "combien sage" des dirigeants algériens et de leurs alliés. Par contre, des voix parmi l’opposition laïque modérée, dont le FFS, se sont élevées contre le non-respect du choix du peuple. Pire encore, les militants du FIS, qui se sentent lésés, prennent les armes et, manipulation des services secrets du régime aidant, entraînent le pays entier dans des conflits armés interminables [9] ; conflits dont se sert encore de nos jours le pouvoir pour empêcher d’aller à tout changement du système. 

    Mais qui a enfin raison dans toute cette histoire ? Les initiateurs de la suspension des élections, ou les partisans de l’achèvement du processus électoral ? 

    Ce qui est indéniable est que si le FIS avait accédé au pouvoir, il aurait certainement nettoyé la scène politique algérienne de tout parti ou association qui ne soit d’obédience islamiste. Ces élections-là ne feraient en conséquence que remplacer une dictature par une autre. Ceux qui ont suspendu les élections ont donc bien fait ! Non. Comme nous l’avons dit supra, le FIS est un parti issu de mouvements islamistes créés, entretenus et manipulés par les services secrets du régime pour servir, au début, de déviateur du combat démocratique des berbéristes, et ensuite d’alibi pour l’arrêt des élections qui sauveront le système. Ce sont alors ceux qui ont défendu l’achèvement du processus électoral qui ont raison ! Là encore, c’est non. 

    En fait, en entraînant le FIS, déjà diabolisé, jusqu’à la victoire pour ensuite la lui confisquer, le pouvoir vise à créer une sorte de victime qui amènera la partie de l’opposition qui ne lui est pas acquise à se discréditer par elle-même. Cette combine est si ingénieuse que même un vieux routier de la politique comme Aït Ahmed ne s’en est pas aperçu. En multipliant, sur les médias nationaux et étrangers, ses déclarations en faveur du deuxième tour du vote, qui aurait porté les islamistes au pouvoir, le FFS n’a fait que détruire son image d’un parti démocratique. Et lorsqu’en 1995, soit aux débuts de la rébellion armée des islamistes, Aït Ahmed se réunit à Sant’Egidio [10] avec, entre autres, des leaders du FIS dissous en exile, une bonne partie de ce qui a resté de crédibilité du FFS est partie et l’on assiste depuis, au grand bonheur du régime mafieux, à des démissions en série de ses militants. 

    À la lumière de ce qui a précédé, on peut dire que le régime militaire algérien a préparé son maintien au pouvoir depuis déjà la première révolte kabyle, celle du FFS en 1963. Le nationalisme arabe et ensuite l’islamisme ont été deux cartes utilisées par la mafia au commande de l’Algérie pour semer en la société algérienne l’ignorance, le fatalisme, le doute, la défiance, la haine, le racisme, la désolidarisation, la désunion et toute sorte de conflits qui fragilisent le peuple et favorisent sont assujettissement ou son impuissance. Ceci dit, ni le RCD ni le FFS, qui s’entredéchirent quotidiennement, n’ont honoré la Kabylie qui a été bien avant l’indépendance déjà à l’avant-garde de tous les combats démocratiques et de toutes les révoltes libératrices. Quant aux partis qui se ressourcent de l’arabo-islamisme, manipulés ou de leur propre chef, ils n’ont jamais cessé de vouloir s’imposer comme la seule alternative au régime mafieux actuel, et en agissant ainsi ils n’ont fait que provoquer des craintes et même du rejet en l’autre partie de l’opposition, ce qui a bien arrangé le pouvoir en place. Et pour finir, s’il veut se débarrasser de cette dictature et ne pas devenir l’otage d’une autre peut-être bien pire, que le peuple algérien sache choisir désormais entre la bonne graine et l’ivraie et qu’il sache également que tout ce qui brille n’est pas or.

     

    D. Messaoudi

    [1] Le même scénario burlesque d’un parti né mature se répète en février 1997 lorsque le RND a été créé. Ce parti a remporté une large majorité aux législatives du 5 juin 1997 !! (voir : Rassemblement national démocratique)

    [2] Le terme de « Janvieristes » réfère aux officiers de l’ANP et aux civils parmi les fonctionnaires de l’État et de l’opposition qui ont décidé de rompre le processus électoral en janvier 1992. (voir : Que sont les janvieristes devenus ?)

    [3] À une période donnée, le régime a intentionnellement cédé la mosquée, comme espace d’expression, aux islamistes et ce afin de préparer l’opinion nationale et internationale aux futures décisions et interventions des autorités. Ali Belhadj, un des durs du FIS, se faisait même filmer pendant ses prêches incendiaires. (voir : http://www.youtube.com/watch?v=iqNxrKBAGlo)

    [4] Le général-major, Khaled Nezzar, n’a-t-il pas avoué dans ses mémoires cette complicité entre les islamistes fondamentalistes et le régime dans les années 70 et 80 ? (voir : L’anti-kabylisme du régime algérien)

    [5] Kamel Amzal était un étudiant. (voir : Une pensée pour Kamal Amzal)

    [6] On se souvient bien de la fameuse réponse du leader du RCD, Said Sadi, au leader du FIS, Abassi Madani, lors d’un face-à-face sur le plateau de l’ENTV : "Nous ne vous laisserons pas passer". Ce que Sadi ignorait alors c’est que le régime l’avait utilisé pour discréditer aux yeux des Algériens tous les Kabyles qui se disent démocrates. D’ailleurs, les récentes marches initiées par le RCD et le CNCD n’ont pas drainé des foules en raison de la présence des Kabyles dont on se méfie encore.

    [7] Le FIS a obtenu dans ces municipalités 55% des communes, soit 853 des 1539 mairies. Se sentant fort, il commence alors, sous l’œil complice du régime, à introduire des éléments islamiques dans l’habillement des agents de l’État (la fameuse « chorta islamia »), dans l’environnement (la fameuse « baladiate X el islamia »), etc. Bref, tout indiquait qu’on allait droit vers un État islamique, ce qui constituerait après un alibi en faveur des Janvieristes.

    [8] Il est tout de même inexplicable que le pouvoir n’ait pu sortir vainqueur de ces élections ; lui qui possède un large électorat constitué de militaires, de policiers, de gendarmes, de fonctionnaires de l’administration, d’anciens moudjahids, d’enfants de chouhada, etc., qui jouissent tous de privilèges en contrepartie de leur loyauté.

    [9] Durant l’automne 2010, plus de 9000 soldats de l’ANP ont été mobilisés pour soi-disant nettoyer la Kabylie du terrorisme islamiste. La presse écrite a même rapporté que la tête du GSPC, Droudkel, ainsi que d’importants émirs islamistes ont été encerclés dans la région. Et à la fin de l’opération qualifiée de grande envergure, l’on annonce ce bilan maigre d’une poignée de terroristes, sans noms ni visages, abattus ! Droudkel n’en figure pas ; sa mission n’est pas encore terminée. (voir : Opération anti-terroriste d’envergure en Kabylie : Revue de presse)

    [10] Étaient présents à cette réunion à côté d’Aït Ahmed, entre autres, A.Mehri, ex-SG du FLN et chantre de l’arabisme ; A.Ben Bella, ex-président algérien et chantre du baathisme ; A.Haddam, un des députés de l’ex-FIS qui n’a jamais condamné la violence des islamistes. (voir : Rome: le labyrinthe de la paix)

    http://lavoixdesmartyrsdelaplume.over-blog.com/article-comment-l-algerie-a-echappee-de-justesse-a-un-coup-d-etat-deguise-en-1991-62483032.html 

     

     

     

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It

    votre commentaire